Page:Guyon - Histoire d’un annexé (souvenirs de 1870-1871).djvu/70

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à l’obscurité, et des cavaliers vinrent se poster derrière les murs du moulin.

Après avoir attendu quelques instants, je descendis dans la chambre où se trouvaient ma mère et Wilhelmine, qui, enfermées dans les ténèbres, étaient pleines d’anxiété.

« C’est fini, leur dis-je, les Prussiens se sont sauvés. »

Elles m’embrassèrent bien fort et descendirent avec moi.

Les portes étaient ouvertes, en bas, et le père Frank causait avec les dragons français. Quelques francs-tireurs de Thionville arrivèrent bientôt et tous les gens du village se montrèrent peu à peu.

Un officier nous dit qu’on avait su que les Prussiens devaient faire une tentative sur Thionville, qu’il n’y avait eu ici qu’une rencontre de reconnaissances, mais que le gros de l’armée devait être de l’autre côté de la Moselle, sur la route d’Illange.

On entendait, en effet, le canon au loin ; mais quelques coups seulement furent tirés et nous pensâmes que les Prussiens, se voyant attendus, n’avaient pas continué l’attaque.

Les soldats restèrent sur pied toute la nuit, mais rien ne vint de nouveau troubler la tranquillité du village.


XV

Après avoir serré la main du père Frank et embrassé Wilhelmine, nous étions retournés à la maison, ma mère et moi.

Je ne pus m’endormir parce que la pensée d’entrer le lendemain à Thionville et d’y servir d’une façon quelconque dans l’armée, me tenait en éveil.