Page:Guyon - Histoire d’un annexé (souvenirs de 1870-1871).djvu/80

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Aucune nouvelle ne parvenait plus du dehors : d’ailleurs la ville se préparait au bombardement. On avait ordonné aux habitants de prendre toutes les précautions nécessaires : les pavés étaient couverts de terre ; chaque marchand fermait son magasin et l’abritait sous des planches ; on jetait de l’eau sur les toits et du sable dans les greniers.

Sur les remparts, les canons étaient prêts à répondre aux ennemis, à ruiner leurs travaux. Chacun brûlait de faire son devoir courageusement.

Les Prussiens, malgré le feu violent de la place, avaient établi des batteries sur les hauteurs environnantes.

Le commandant de Thionville avait fait demander aux assiégeants de laisser sortir les femmes et les enfants. Mais les barbares avaient refusé ! Et ils osaient dire pourtant que ce n’était pas à la France ni au peuple qu’ils faisaient la guerre !

Non content de brûler une malheureuse ville, il leur fallait encore des victimes innocentes, parmi les faibles femmes et les enfants qui pleuraient.

Oh ! quelle colère je ressentis, quand j’appris ce refus honteux pour l’humanité ! Comme je compris la haine immense qui poussait ces hommes du Nord ! Et comme je tremblais pour la pauvre mère et la faible fiancée, qui étaient au milieu d’eux, là-bas !

Le 22 novembre, nous étions sur les remparts, dès le grand matin. Bientôt les batteries prussiennes lancèrent sur la ville des obus, qui sifflaient dans l’air comme le vent dans les sapins.

Ils tombaient, de tous côtés, sur les batteries françaises, qui répondaient vivement et souvent faisaient taire les ennemis, sur les maisons dont les murs tremblaient et dont les toits volaient en poussière.

Toute la journée, les braves Thionvillois restèrent sur les remparts et tant qu’un canon fut entier sur son affût, on répondit aux Allemands.