Page:Guyon - Histoire d’un annexé (souvenirs de 1870-1871).djvu/94

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Oh ! je maudissais alors l’impatience qui m’avait fait entreprendre une démarche si téméraire.

Un nouveau sujet de peine pour moi fut la connaissance de la mort d’Hermann, que j’appris par un nouveau prisonnier mis au cachot avec moi. Ce pauvre garçon cherchait à nager vers la Moselle, et il avait été tué par les balles des soldats.


XX

Il y avait près de trois semaines que j’étais au cachot, lorsqu’un jour, un sous-officier allemand vint me demander le lieu de ma naissance. Il inscrivit les noms que je lui donnai sur un grand registre, et une heure après on vint me dire que j’étais libre et que j’allais être renvoyé en Lorraine.

L’effet que me fit une nouvelle si inattendue ne saurait se décrire : je crus d’abord avoir mal compris. Mais l’Allemand m’ayant répété que je pouvais retourner aux baraques, rejoindre mes compagnons qui préparaient leurs paquets, je crus avoir perdu la tête, pendant quelques minutes : je pleurais, je chantais, je ne pouvais me rendre compte de mes idées.

Enfin, en marchant au camp, accompagné du soldat, je lui demandai tout surpris :

« La paix est donc faite ?

— Pas tout à fait, mais on renvoie chez eux tous les Alsaciens et les Lorrains allemands.

— Allemands ! Mais ils sont tous Français. »

Le Prussien ne répondit pas. Mais en arrivant aux baraques, j’appris qu’on avait signé les préliminaires de la paix, car nous étions à la fin de février. Je sus bientôt que les Allemands avaient mis comme grande condition, l’annexion de l’Alsace et de la Lorraine, de Metz et de Strasbourg ; que rien n’était encore défi-