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mettre immédiatement après quelque chose d’opposé ; ainsi à l’odeur de la rose opposez celle du souci ; à la forme de la boule, opposez celle du cube.

Quand l’enfant parlera, ne lui laissez pas prendre l’habitude d’appeler un cheval dada, un chien toutou, des friandises nanan ; mais accoutumez-le à nommer chaque chose par son nom, et prenez grand soin de lui faire décrire l’objet dont il vous parle pour la première fois : s’il vous parle d’une chèvre, par exemple, aidez-le à vous dire qu’elle a un corps, un cou, une tête et quatre pattes, des poils de telle couleur, de gros yeux, une barbe et des cornes ; qu’elle marchait ou grimpait, ou broutait l’herbe ; qu’elle baissait la tête et présentait les cornes quand on l’approchait ; qu’elle ne sentait pas bon ; que son poil était doux ou rude, etc. En habituant ainsi l’enfant à l’analyse, il acquerra, de ce qu’il voit, des idées nettes ; établira des groupes par comparaison, et ne sera disposé de sa vie à se contenter d’expressions vagues, de notions mal définies, vice intellectuel de la plupart d’entre nous.

L’enfant, avons-nous dit, ne comprend que le concret ; c’est donc un contre-sens que de meubler sa mémoire de mots qui représentent des notions abstraites ou des sentiments qu’il ne peut éprouver : rien n’est affligeant comme de le voir transformé en oiseau jaseur, récitant une fable de La Fontaine, une page d’histoire ou de grammaire.

Dans votre maison annexe ou établissement préparatoire, vos élèves ont appris en jouant à lire, écrire, calculer et un peu dessiner ; aussitôt qu’elles sont avec vous, il faut, peu à peu, leur faire comprendre que le travail n’est pas un jeu, mais un devoir.