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goélette ailée

secondes, nous sommes dans l’attente d’un démâtage. C’est la fuite éperdue à une vitesse vertigineuse ne sachant où nous sommes, où nous allons ! L’équipage et moi, nous vivons du fantastique ; à force de manœuvres, de volonté et de vêtements mouillés, nous arriverons à amener la voilure, elle tombera sur le pont pêle-mêle ; le petit foc même serait de trop.

Nous voilà poussés quand même, emportés en tourbillon dans les vagues énormes qui déferlent sur nous.

La mer est noire dans l’orage de nuit, mais il traîne dans les vagues du vert et du blanc. Nous passons près d’une bouée à éclat qui nous envoie son regard rouge, lugubre vision, à trois heures de l’après-midi.

La rumeur couvre nos voix, nous hurlons pour nous entendre mais la tempête fait rage enlevant de nos bouches les mots que la brise arrache.

La bourrasque tournoyante emporte les vagues mêmes !

Nous n’apercevons plus l’avant de l’Aile qui se perd dans l’écume !…

Les vagues à l’assaut nous envahissent d’embruns salés, tandis que la pluie torrentielle et la grêle s’abattent sur nous.

On ne sait plus d’où ça tombe, d’où ça arrive, on étouffe d’eau !

L’Aile sans toile, avec son grand mât dépouillé,