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CLIO, LIVRE I.

sont autochtones, quoiqu’ils se disent originaires de Crète. S’ils ont formé leur langue sur celle des Cariens, ou les Cariens sur celle des Cauniens, je ne puis en juger avec certitude. Ils ont cependant des coutumes bien différentes de celles des Cariens et du reste des hommes. Il est chez eux très-honnête de s’assembler pour boire, hommes, femmes et enfants, suivant les liaisons que forment entre eux l’âge et l’amitié. Ils avaient des dieux étrangers ; mais, ayant changé de sentiment à leur égard, il fut résolu qu’on n’adresserait à l’avenir ses vœux qu’à ceux du pays. Toute la jeunesse caunienne se revêtit donc de ses armes, et, frappant l’air de ses piques, elle les accompagna jusqu’aux frontières des Calyndiens en criant qu’elle chassait les dieux étrangers.

CLXXIII. Les Lyciens sont originaires de Crète et remontent à la plus haute antiquité, car dès les temps les plus reculés cette île tout entière n’était occupée que par des barbares. Sarpédon et Minos, tous deux fils d’Europe, s’en disputèrent la souveraineté. Minos eut l’avantage, et Sarpédon fut chassé avec tous ceux de son parti. Ceux-ci passèrent dans la Milyade, canton de l’Asie ; car le pays qu’habitent aujourd’hui les Lyciens s’appelait autrefois Myliade, et les Myliens portaient alors le nom de Solymes. Tant que Sarpédon régna sur eux, on les appela Termiles ; nom qu’ils avaient apporté dans le pays, et que leurs voisins leur donnent encore maintenant. Mais Lycus, fils de Pandion, ayant été aussi chassé d’Athènes par son frère Égée, et s’étant réfugié chez les Termiles, auprès de Sarpédon, ces peuples s’appelèrent, avec le temps, Lyciens, du nom de ce prince. Ils suivent en partie les lois de Crète, et en partie celles de Carie. Ils en ont cependant une qui leur est tout à fait particulière, et qui ne s’accorde avec aucune de celles des autres hommes : ils prennent en effet le nom de leurs mères, au lieu de celui de leurs pères. Si l’on demande à un Lycien de quelle famille il est, il fait la généalogie de sa mère et des aïeules de sa mère. Si une femme du pays épouse un esclave, ses enfants sont réputés nobles. Si, au contraire, un citoyen, celui même du rang le plus distingué, se marie à une étrangère