Page:Hérodote - Histoire, trad. Larcher, tome 1, 1850.djvu/125

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
126
HISTOIRE D’HÉRODOTE.

vert un arbre dont ils jettent le fruit dans un feu autour duquel ils s’assemblent par troupes ; qu’ils en aspirent la vapeur par le nez, et que cette vapeur les enivre, comme le vin enivre les Grecs ; que plus ils jettent de ce fruit dans le feu, plus ils s’enivrent, jusqu’à ce qu’enfin ils se lèvent, et se mettent tous à chanter et à danser. Quant à l’Araxe, il vient du pays des Matianiens, d’où coule aussi le Gyndes, que Cyrus coupa en trois cent soixante canaux. Il a quarante embouchures, qui, si l’on en excepte une, se jettent toutes dans des lieux marécageux et pleins de fange, où l’on prétend qu’habitent des hommes qui vivent de poissons crus, et sont dans l’usage de s’habiller de peaux de veaux marins. Cette bouche unique, dont je viens de parler, se rend dans la mer Caspienne par un canal propre et net.

Cette mer est une mer par elle-même, et n’a aucune communication avec l’autre ; car toute la mer où naviguent les Grecs, celle qui est au delà des colonnes d’Hercule, qu’on appelle mer Atlantide, et la mer Érythrée ne font ensemble qu’une même mer.

CCIII. La mer Caspienne est une mer par elle-même, et bien différente de l’autre. Elle a autant de longueur qu’un vaisseau qui va à la rame peut faire de chemin en quinze jours, et, dans sa plus grande largeur, autant qu’il en peut faire en huit. Le Caucase borne cette mer à l’occident. C’est la plus grande de toutes les montagnes, tant par son étendue que par sa hauteur. Elle est habitée par plusieurs nations différentes, dont la plupart ne vivent que de fruits sauvages. On assure que ces peuples ont chez eux une sorte d’arbre dont les feuilles, broyées et mêlées avec de l’eau, leur fournissent une couleur avec laquelle ils peignent sur leurs habits des figures d’animaux. L’eau n’efface point ces figures, et, comme si elles avaient été tissues, elles ne s’usent qu’avec l’étoffe. On assure aussi que ces peuples voient publiquement leurs femmes, comme les bêtes.

CCIV. La mer Caspienne est donc bornée à l’ouest par le Caucase, et à l’est par une plaine immense et à perte de vue. Les Massagètes, à qui Cyrus voulait faire la guerre,