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EUTERPE, LIVRE II.

dement du Nil a eu recours à une fable obscure, au lieu de raisons convaincantes ; car, pour moi, je ne connais point de fleuve qu’on puisse appeler l’Océan ; et je pense qu’Homère, ou quelque autre poëte plus ancien, ayant inventé ce nom, l’a introduit dans la poésie.

XXIV. Mais si, après avoir blâmé les opinions précédentes, il est nécessaire que je déclare moi-même ce que je pense sur ces choses cachées, je dirai qu’il me paraît que le Nil grossit en été, parce qu’en hiver le soleil, chassé de son ancienne route par la rigueur de la saison, parcourt alors la région du ciel qui répond à la partie supérieure de la Libye. Voilà, en peu de mots, la raison de cette crue ; car il est probable que plus ce dieu tend vers un pays et s’en approche, et plus il le dessèche et en tarit les fleuves.

XXV. Mais il faut expliquer cela d’une manière plus étendue : l’air est toujours serein dans la Libye supérieure ; il y fait toujours chaud, et jamais il n’y souffle de vents froids. Lorsque le soleil parcourt ce pays, il y produit le même effet qu’il a coutume de produire en été, quand il passe par le milieu du ciel ; il attire les vapeurs à lui, et les repousse ensuite vers les lieux élevés, où les vents, les ayant reçues, les dispersent et les fondent. C’est vraisemblablement par cette raison que les vents qui soufflent de ce pays, comme le sud et le sud-ouest, sont les plus pluvieux de tous. Je crois cependant que le soleil ne renvoie pas toute l’eau du Nil qu’il attire annuellement, mais qu’il s’en réserve une partie.

Lorsque l’hiver est adouci, le soleil retourne au milieu du ciel, et de là il attire également des vapeurs de tous les fleuves. Jusqu’alors ils augmentent considérablement, à cause des pluies dont la terre est arrosée, et qui forment des torrents ; mais ils deviennent faibles en été, parce que les pluies leur manquent, et que le soleil attire une partie de leurs eaux. Il n’en est pas de même du Nil : comme en hiver il est dépourvu des eaux de pluie, et que le soleil en élève des vapeurs, c’est, avec raison, la seule rivière dont les eaux soient beaucoup plus basses en cette saison qu’en été. Le soleil l’attire de même que tous les autres fleuves ;

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