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EUTERPE, LIVRE II.

m’entretenais avec les prêtres de ce dieu, je leur demandai combien il y avait de temps que ce temple était bâti ; mais je ne les trouvai pas plus d’accord avec les Grecs que les Égyptiens. Ils me dirent, en effet, qu’il avait été bâti en même temps que la ville, et qu’il y avait deux mille trois cents ans qu’elle était habitée. Je vis aussi à Tyr un autre temple d’Hercule ; cet Hercule était surnommé Thasien. Je fis même un voyage à Thasos, où je trouvai un temple de ce dieu, qui avait été construit par ces Phéniciens, lesquels, courant les mers pour chercher Europe, fondèrent une colonie dans cette île, cinq générations avant qu’Hercule, fils d’Amphitryon, naquît en Grèce.

Ces recherches prouvent clairement qu’Hercule est un dieu ancien : aussi les Grecs, qui ont élevé deux temples à Hercule, me paraissent avoir agi très-sagement. Ils offrent à l’un, qu’ils ont surnommé Olympien, des sacrifices, comme à un immortel, et font à l’autre des offrandes funèbres, comme à un héros.

XLV. Les Grecs tiennent aussi beaucoup d’autres propos inconsidérés, et l’on peut mettre de ce nombre la fable ridicule qu’ils débitent au sujet de ce héros. Hercule, disent-ils, étant arrivé en Égypte, les Égyptiens lui mirent une couronne sur la tête, et le conduisirent en grande pompe, comme s’ils eussent voulu l’immoler à Jupiter. Il resta quelque temps tranquille ; mais, lorsqu’on vint aux cérémonies préparatoires, il ramassa ses forces, et les tua tous. Les Grecs font voir, à ce qu’il me semble, par ces propos, qu’ils n’ont pas la plus légère connaissance du caractère des Égyptiens et de leurs lois. Quelle vraisemblance y a-t-il, en effet, que des peuples à qui il n’est pas même permis de sacrifier aucun animal, excepté des cochons[1], des bœufs et des veaux, pourvu qu’ils soient mondes, et des oies ; quelle apparence, dis-je, qu’ils voulussent immoler des hommes ? D’ailleurs, est-il dans la nature qu’Hercule, qui n’était encore qu’un homme, comme ils le disent eux-mêmes, eût pu tuer, lui seul, tant de milliers d’hommes ? Quoi qu’il en soit, je prie les dieux et les

  1. Les Égyptiens avaient cet animal en horreur ; jamais ils n’en sacrifiaient aux dieux, si ce n’est à la Lune et à Bacchus. (L.)