Page:Hérodote - Histoire, trad. Larcher, tome 1, 1850.djvu/164

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
165
EUTERPE, LIVRE II.

alla en Libye, et l’autre chez eux ; que celle-ci, s’étant perchée sur un chêne, articula d’une voix humaine que les destins voulaient qu’on établît en cet endroit un oracle de Jupiter ; que les Dodonéens, regardant cela comme un ordre des dieux, l’exécutèrent ensuite. Ils racontent aussi que la colombe qui s’envola en Libye commanda aux Libyens d’établir l’oracle d’Ammon, qui est aussi un oracle de Jupiter. Voilà ce que me dirent les prêtresses des Dodonéens, dont la plus âgée s’appelait Preuménia ; celle d’après, Timarété ; et la plus jeune, Nicandra. Leur récit était confirmé par le témoignage du reste des Dodonéens, ministres du temple.

LVI. Mais voici mon sentiment à cet égard : s’il est vrai que des Phéniciens aient enlevé ces deux femmes consacrées aux dieux, et qu’ils les aient vendues, l’une pour être menée en Libye, l’autre pour être transportée en Grèce, je pense que celle-ci fut vendue afin d’être conduite dans le pays des Thesprotiens, qui fait partie de la Grèce actuelle, et qu’on appelait alors Pélasgie ; que, pendant son esclavage, elle éleva sous un chêne une chapelle à Jupiter ; car il était naturel que celle qui dans Thèbes avait desservi les autels de ce dieu lui donnât, dans le lieu où on l’avait transportée, des marques de son souvenir, et qu’ensuite elle instituât un oracle ; et qu’ayant appris la langue grecque, elle dît que sa sœur avait été vendue par les mêmes Phéniciens pour être conduite en Libye.

LVII. Les Dodonéens donnèrent, à ce qu’il me semble, le nom de colombes à ces femmes, parce que, étant étrangères, elles parlaient un langage qui leur paraissait ressembler à la voix de ces oiseaux ; mais quelque temps après, quand cette femme commença à se faire entendre, ils dirent que la colombe avait parlé ; car, tant qu’elle s’exprima dans une langue étrangère, elle leur parut rendre des sons semblables à ceux des oiseaux. Comment, en effet, pourrait-il se faire qu’une colombe rendit des sons articulés ? Et lorsqu’ils ajoutent que cette colombe était noire, ils nous donnent à entendre que cette femme était égyptienne.