Page:Hérodote - Histoire, trad. Larcher, tome 1, 1850.djvu/172

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
173
EUTERPE, LIVRE II.

queue, et le hennissement du cheval ; il est de la grandeur des plus gros bœufs ; son cuir est si épais et si dur, que, lorsqu’il est sec, on en fait des javelots.

LXXII. Le Nil produit aussi des loutres. Les Égyptiens les regardent comme sacrées. Ils ont la même opinion du poisson qu’on appelle lépidote, et de l’anguille. Ces poissons sont consacrés au Nil. Parmi les oiseaux, le cravan est sacré[1].

LXXIII. On range aussi dans la même classe un autre oiseau qu’on appelle phénix[2]. Je ne l’ai vu qu’en peinture ; on le voit rarement ; et, si l’on en croit les Héliopolitains, il ne se montre dans leur pays que tous les cinq cents ans, lorsque son père vient à mourir. S’il ressemble à son portrait, ses ailes sont en partie dorées et en partie rouges, et il est entièrement conforme à l’aigle quant à la figure et à la description détaillée. On en rapporte une particularité qui me paraît incroyable. Il part, disent les Égyptiens, de l’Arabie, se rend au temple du Soleil avec le corps de son père, qu’il porte enveloppé dans de la myrrhe, et lui donne la sépulture dans ce temple. Voici de quelle manière : il fait avec de la myrrhe une masse en forme d’œuf, du poids qu’il se croit capable de porter, la soulève, et essaye si elle n’est pas trop pesante ; ensuite, lorsqu’il a fini ces essais, il creuse cet œuf, y introduit son père, puis il bouche l’ouverture avec de la myrrhe : cet œuf est alors de même poids que lorsque la masse était entière. Lorsqu’il l’a, dis-je, renfermé, il le porte en Égypte dans le temple du Soleil.

LXXIV. On voit dans les environs de Thèbes une espèce de serpents sacrés qui ne fait jamais de mal aux hommes : ces serpents sont fort petits, et portent deux cornes au

  1. Cet oiseau ressemble beaucoup à l’oie pour la figure ; mais il a toute la ruse et la finesse du renard. Belon l’appelle oie nonnette. Le mot grec est oie-renard, chenalopex. (L.)
  2. On ne croyait point encore, du temps d’Hérodote, que le phénix renaquit de ses cendres. Cette opinion s’accrédita dans la suite. Suidas assure, au mot φοίνιξ, que lorsque cet oiseau s’est brûlé, il naît de ses cendres un ver qui se change en phénix. Les Pères de l’Église grecque et latine ajoutèrent foi à cette fable, et ne manquèrent pas de la citer comme une preuve solide de la résurrection. (L.)

15*