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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

appellent Protée dans leur langue. On voit encore aujourd’hui à Memphis un lieu magnifique et très-orné, qui lui est consacré. Ce lieu est au sud du temple de Vulcain. Des Phéniciens de Tyr habitent à l’entour, et tout ce quartier s’appelle le Camp des Tyriens. Il y a dans le lieu consacré à Protée une chapelle dédiée à Vénus surnommée l’Étrangère. Je conjecture que cette Vénus est Hélène, fille de Tyndare ; non-seulement parce que j’ai ouï dire qu’Hélène demeura autrefois à la cour de Protée, mais encore parce que cette chapelle tire son nom de Vénus l’Étrangère ; car, de tous les autres temples de Vénus, il n’y en a aucun qui lui soit consacré sous ce nom.

CXIII. Ayant questionné les prêtres au sujet d’Hélène, ils me répondirent qu’Alexandre, après l’avoir enlevée[1] de Sparte, mit à la voile pour retourner dans sa patrie. Quand il fut parvenu dans la mer Égée, des vents contraires l’écartèrent de sa route, et le repoussèrent dans la mer d’Égypte. Ces vents continuant toujours à être contraires, il vint de là en Égypte, où il aborda à l’embouchure du Nil, qu’on appelle aujourd’hui la bouche Canopique, et aux Tarichées. Il y avait sur ce rivage un temple d’Hercule, qu’on y voit encore maintenant. Si quelque esclave s’y réfugie, et s’y fait marquer des stigmates sacrés, afin de se consacrer au dieu, il n’est pas permis de mettre la main sur lui. Cette loi continue à s’observer de la même manière depuis son institution jusqu’à présent. Les esclaves d’Alexandre ayant eu connaissance des priviléges de ce temple, s’y réfugièrent ; et, se tenant en posture de suppliants, ils se mirent à accuser leur maître, dans l’intention de lui nuire, et à publier l’injure qu’il avait faite à Méné-

  1. La prise de Troie se rapporte à l’an 1184 avant l’ère chrétienne, 3530 de la période julienne. La dernière année du siége de Troie est la 1185e avant Jésus-Christ, 3529 de la période julienne. Hélène dit dans l’Iliade que cette année est la vingtième depuis qu’elle est sortie de sa patrie et qu’elle est venue à Troie. Or le siége de Troie fut de dix ans : il avait donc déjà duré neuf ans. À ces neuf ans ajoutez-en onze pour faire les vingt ans du séjour d’Hélène à Troie, vous trouverez qu’elle fut enlevée par Pâris ou Alexandre vers l’an 1204 ou 1205 avant l’ère chrétienne, 3509 ou 3510 de la période julienne, dans le système de ceux qui croient que Pâris la conduisit à Troie aussitôt après l’enlèvement. Elle était fort jeune quand cela arriva. (Bellanger).