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EUTERPE, LIVRE II.

las et tout ce qui s’était passé au sujet d’Hélène. Ces accusations se faisaient en présence des prêtres, et de Thonis, gouverneur de cette bouche du Nil.

CXIV. Là-dessus, Thonis dépêcha au plus tôt un courrier à Memphis, avec ordre de dire à Protée ces paroles : « Il est arrivé ici un Teucrien qui a commis en Grèce un crime atroce. Non content d’avoir séduit la femme de son hôte, il l’a enlevée avec des richesses considérables. Les vents contraires l’ont forcé de relâcher en ce pays. Le laisserons-nous partir impunément, ou lui ôterons-nous ce qu’il avait en venant ? »

Protée renvoya le courrier au gouverneur, avec un ordre conçu en ces termes : « Arrêtez cet étranger, quel qu’il soit, qui a commis un tel crime contre son hôte ; amenez-le-moi, afin que je sache ce qu’il peut aussi alléguer en sa faveur. »

CXV. Thonis, ayant reçu cet ordre, saisit les vaisseaux d’Alexandre, le fit arrêter, et le mena à Memphis avec Hélène, avec ses richesses et les suppliants du dieu[1]. Lorsqu’ils furent tous arrivés, Protée demanda à Alexandre qui il était, et d’où il venait avec ses vaisseaux. Ce prince ne lui déguisa point sa famille, le nom de sa patrie, ni d’où il venait ; mais, quand Protée lui eut ensuite demandé où il avait pris Hélène, il s’embarrassa dans ses réponses ; et comme il déguisait la vérité, ses esclaves, qui s’étaient rendus suppliants, l’accusèrent, et racontèrent au roi toutes les particularités de son crime. Enfin, Protée prononça ce jugement : « Si je ne pensais pas qu’il est de la plus grande conséquence de ne faire mourir aucun des étrangers que les vents forcent à relâcher sur mes terres, je vengerais par ton supplice l’insulte que tu as faite à Ménélas. Ce prince t’a donné l’hospitalité, et toi, le plus méchant de tous les hommes, tu n’as pas craint de commettre envers lui une action exécrable. Tu as séduit la femme de ton hôte, et, non content de cela, tu l’as engagée à te suivre, et tu l’emmènes furtivement ! Ce n’est pas tout, tu pilles encore, en t’en allant, la maison de

  1. Les esclaves de Pâris.

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