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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

XXIX. Dès que les prêtres eurent amené Apis, Cambyse, tel qu’un furieux, tira son poignard pour lui en donner un coup dans le ventre ; mais il ne le frappa qu’à la cuisse. S’adressant ensuite aux prêtres d’un ton railleur : « Scélérats, leur dit-il, les dieux sont-ils donc de chair et de sang ? Sentent-ils les atteintes du fer ? Ce dieu, sans doute, est bien digne des Égyptiens : mais vous ne vous serez pas impunément moqués de moi. » Là-dessus, il les fit battre de verges par ceux qui ont coutume d’exécuter ces sortes de jugements, et il ordonna qu’on fît main basse sur tous les Égyptiens que l’on trouverait célébrant la fête d’Apis. Les réjouissances cessèrent aussitôt, et les prêtres furent punis. À l’égard d’Apis, il languit quelque temps dans le temple, de la blessure qu’il avait reçue à la cuisse, et mourut ensuite. Les prêtres lui donnèrent la sépulture à l’insu de Cambyse.

XXX. Ce prince, à ce que disent les Égyptiens, ne tarda point, en punition de ce crime, à devenir furieux, lui qui, avant cette époque, n’avait pas même de bon sens. Le premier crime qu’il commit fut le meurtre de Smerdis, son frère de père et de mère. Il l’avait renvoyé en Perse, jaloux de ce qu’il avait bandé, à deux doigts près, l’arc que les Ichtyophages avaient apporté de la part du roi d’Éthiopie ; ce qu’aucun autre Perse n’avait pu faire. Après le départ de ce prince, Cambyse vit en songe un courrier qui venait de la part des Perses lui annoncer que Smerdis, assis sur son trône, touchait le ciel de sa tête. Cette vision lui ayant fait craindre que son frère ne le tuât pour s’emparer de la couronne, il envoya après lui Prexaspes, celui de tous les Perses en qui il avait le plus de confiance, avec ordre de le faire périr. Prexaspes, étant arrivé à Suses, exécuta l’ordre dont il était chargé. Les uns disent qu’il attira ce prince à la chasse ; d’autres prétendent qu’il le mena sur les bords de la mer Érythrée, et qu’il l’y précipita. Tel fut, dit-on, le premier crime de Cambyse.

XXXI. Le second fut le meurtre de sa sœur de père et de mère. Cette princesse, qui l’avait suivi en Égypte, était en même temps sa femme. Voici comme elle le devint ; car,