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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

dans les poésies de Pindare : La loi est un roi qui gouverne tout.

XXXIX. Tandis que Cambyse portait la guerre en Égypte, les Lacédémoniens la faisaient aussi contre Samos et contre Polycrate, fils d’Ajax, qui, s’étant révolté, s’était emparé de cette île[1]. Il l’avait d’abord divisée en trois parties, et l’avait partagée avec Pantagnote et Syloson ses frères. Mais dans la suite, ayant tué Pantagnote et chassé Syloson, le plus jeune, il la posséda tout entière. Lorsqu’il l’eut en sa puissance, il fit avec Amasis, roi d’Égypte, un traité d’amitié, que ces deux princes cimentèrent par des présents mutuels. Sa puissance s’accrut tout à coup en peu de temps, et bientôt sa réputation se répandit dans l’Ionie et dans le reste de la Grèce. La fortune l’accompagnait partout où il portait ses armes. Il avait cent vaisseaux à cinquante rames, et mille hommes de trait. Il attaquait et pillait tout le monde sans aucune distinction : disant qu’il ferait plus de plaisir à un ami en lui restituant ce qu’il lui aurait pris, que s’il ne lui eût rien enlevé du tout. Il se rendit maître de plusieurs îles, et prit un grand nombre de villes sur le continent. Il vainquit dans un combat naval les Lesbiens, qui étaient venus avec toutes leurs forces au secours des Milésiens ; et les ayant faits prisonniers, et les ayant chargés de chaînes, il leur fit entièrement creuser le fossé qui environne les murs de Samos.

XL. Amasis, instruit de la grande prospérité de Polycrate, en eut de l’inquiétude. Comme elle allait toujours en augmentant, il lui écrivit en ces termes :

« Amasis à Polycrate.

» Il m’est bien doux d’apprendre les succès d’un ami

  1. Dans une fête solennelle qu’on célébrait à Samos en l’honneur de Junon, tous les citoyens se rendaient processionnellement au temple de la déesse, avec leurs armes. Polycrate, ayant amassé sous ce prétexte beaucoup d’armes, les distribua à ses partisans, qui avaient pour chefs ses frères Syloson et Pantagnote. La procession finie, les Samiens mirent bas les armes, afin de se disposer au sacrifice. Les partisans de Polycrate, s’étant saisis de ces armes, massacrèrent tous ceux qui n’étaient pas de leurs amis, et, s’étant emparés des postes les plus avantageux, ils firent venir de l’île de Naxos Lygdamis, qui en était tyran, et, par son moyen, ils se rendirent maîtres de la citadelle, nommée Astypalée. (L.)