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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

rencontrèrent ; et si la nuit n’eût arrêté le carnage, il ne s’en serait pas échappé un seul.

Les Perses célèbrent avec beaucoup de solennité cette journée : cette fête, l’une de leurs plus grandes, s’appelle Magophonie (le massacre des mages). Ce jour-là, il n’est pas permis aux mages de paraître en public ; ils restent chez eux.

LXXX. Cinq jours après le rétablissement de la tranquillité, les sept seigneurs qui s’étaient soulevés contre les mages tinrent conseil sur l’état actuel des affaires. Leurs discours paraîtront incroyables à quelques Grecs ; ils n’en sont pas cependant moins vrais. Otanes exhorta les Perses à mettre l’autorité en commun. « Je crois, dit-il, que l’on ne doit plus désormais confier l’administration de l’État à un seul homme, le gouvernement monarchique n’étant ni agréable ni bon. Vous savez à quel point d’insolence en était venu Cambyse, et vous avez éprouvé vous-mêmes celle du mage. Comment, en effet, la monarchie pourrait-elle être un bon gouvernement ? Le monarque fait ce qu’il veut, sans rendre compte de sa conduite. L’homme le plus vertueux, élevé à cette haute dignité, perdrait bientôt toutes ses bonnes qualités. Car l’envie naît avec tous les hommes, et les avantages dont jouit un monarque le portent à l’insolence. Or, quiconque a ces deux vices a tous les vices ensemble : tantôt il commet, dans l’ivresse de l’insolence, les actions les plus atroces, et tantôt par envie. Un tyran devrait être exempt d’envie, du moins parce qu’il jouit de toutes sortes de biens ; mais c’est tout le contraire, et ses sujets ne le savent que trop par expérience. Il hait les plus honnêtes gens, et semble chagrin de ce qu’ils existent encore. Il n’est bien qu’avec les plus méchants. Il prête volontiers l’oreille à la calomnie ; il accueille les délateurs : mais ce qu’il y a de plus bizarre, si on le loue modestement, il s’en offense ; si, au contraire, on le recherche avec empressement, il en est pareillement blessé, et ne l’impute qu’à la plus basse flatterie ; enfin, et c’est le plus terrible de tous les inconvénients, il renverse les lois de la patrie, il