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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

blable, que tous les animaux timides, et qui servent de nourriture, fussent très-féconds, de crainte que la grande consommation qu’on en fait n’en détruisît l’espèce, et qu’au contraire tous les animaux nuisibles et féroces fussent beaucoup moins féconds.

Le lièvre trouve partout des ennemis ; les bêtes, les oiseaux, les hommes, lui font la guerre : aussi cet animal est-il extrêmement fécond. Sa femelle est, de tous les animaux, la seule qui conçoive quoique déjà pleine, et qui porte en même temps des petits dont les uns sont couverts de poil, les autres n’en ont point encore, et d’autres ne font que de se former, tandis qu’elle en conçoit encore d’autres.

La lionne, au contraire, cet animal si fort et si féroce, ne porte qu’une fois en sa vie, et ne fait qu’un petit : car sa matrice sort avec son fruit ; et en voici la raison. Dès que le lionceau commence à remuer dans le ventre de sa mère, comme il a les griffes beaucoup plus pointues que tout autre animal, il déchire la matrice ; et plus il croît, plus il la déchire. Enfin, lorsque la lionne est près de mettre bas, il n’y reste rien de sain.

CIX. Si donc les vipères et les serpents volants d’Arabie ne mouraient que de leur mort naturelle, il serait impossible aux hommes de vivre ; mais, lorsqu’ils frayent ensemble, la femelle, dans l’accouplement et dans l’instant de l’émission, prend le mâle à la gorge, s’y attache fortement, et ne lâche point prise qu’elle ne l’ait dévoré. Ainsi périt le mâle. La femelle en reçoit la punition ; ses petits, étant prêts à sortir, lui rongent la matrice et le ventre, se font un passage, et vengent de la sorte la mort de leur père. Les autres serpents, qui ne font point de mal aux hommes, pondent des œufs d’où l’on voit éclore une grande quantité de petits serpents. Au reste, il y a des vipères par toute la terre ; mais on ne voit qu’en Arabie des serpents ailés ; ils s’y trouvent en très-grand nombre.

CX. C’est ainsi que les Arabes recueillent l’encens. Voici comment ils font la récolte de la cannelle. Lorsqu’ils vont la chercher, ils se couvrent le corps entier, et même le visage, excepté les yeux, de peaux de bœufs et de chè-