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THALIE, LIVRE III.

assembla toutes ses forces, et marcha contre eux. Lorsqu’il fut arrivé devant la place, il en forma le siége ; mais les Babyloniens firent voir qu’ils s’en inquiétaient peu. Ils montèrent sur leurs remparts, et se mirent à danser et à faire des plaisanteries contre Darius et son armée ; et l’un d’entre eux leur dit cette parole remarquable : « Perses, pourquoi perdre ainsi le temps devant nos murailles ! Retirez-vous plutôt ; vous prendrez Babylone lorsque les mules engendreront. » Ainsi parla un Babylonien, ne pensant pas qu’une mule pût jamais engendrer.

CLII. Il y avait déjà un an et sept mois que Darius était avec son armée devant Babylone sans pouvoir la prendre : il en était très-affligé. Il s’était, mais en vain, servi de toutes sortes de stratagèmes ; il avait même eu recours à celui qui avait autrefois réussi à Cyrus ; mais les Babyloniens se tenaient sans cesse sur leurs gardes, et il n’était pas possible de les forcer.

CLIII. Le vingtième mois du siége, il arriva un prodige chez Zopyre, fils de ce Mégabyse qui, avec les six autres conjurés, détrôna le mage : une des mules qui lui servaient à porter ses provisions fit un poulain. Il n’en voulut d’abord rien croire ; mais, s’en étant convaincu par ses yeux, il défendit expressément à ses gens d’en parler. S’étant mis ensuite à réfléchir sur ce prodige, il se rappela les paroles du Babylonien qui avait dit, au commencement du siége, qu’on prendrait la ville lorsque les mules, toutes stériles qu’elles sont, engendreraient. Il crut, en conséquence de ce présage, qu’on pouvait prendre Babylone, que le Babylonien avait parlé de la sorte par une permission divine, et que la mule avait mis bas pour lui.

CLIV. Ayant reconnu que les destins assuraient la prise de Babylone, il alla trouver Darius, et lui demanda s’il avait fort à cœur la conquête de cette place. Ce prince lui ayant répondu qu’il le souhaitait ardemment, il délibéra comment il ferait pour s’en emparer, et pour que la prise de cette ville ne pût être attribuée à d’autre qu’à lui. Les Perses estiment en effet beaucoup les belles actions ; et chez eux c’est le plus sûr moyen de parvenir aux plus grands honneurs. Ayant fait réflexion qu’il ne pouvait se rendre