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MELPOMÈNE, LIVRE IV.

succédé en Scythie ; et, jusque aujourd’hui, les Scythes ont toujours porté au bas de leur baudrier une coupe, à cause de celle qui était attachée à ce baudrier. Telle fut la chose qu’imagina sa mère en sa faveur. C’est ainsi que les Grecs qui habitent les bords du Pont-Euxin rapportent cette histoire.

XI. On en raconte encore une autre à laquelle je souscris volontiers. Les Scythes nomades qui habitaient en Asie, accablés par les Massagètes, avec qui ils étaient en guerre, passèrent l’Araxe et vinrent en Cimmérie ; car le pays que possèdent aujourd’hui les Scythes appartenait autrefois, à ce que l’on dit, aux Cimmériens. Ceux-ci, les voyant fondre sur leurs terres, délibérèrent entre eux sur cette attaque. Les sentiments furent partagés, et tous deux furent extrêmes ; celui des rois était le meilleur. Le peuple était d’avis de se retirer, et de ne point s’exposer au hasard d’un combat contre une si grande multitude ; les rois voulaient, de leur côté, qu’on livrât bataille à ceux qui venaient les attaquer. Le peuple ne voulut jamais céder au sentiment de ses rois, ni les rois suivre celui de leurs sujets. Le peuple était d’avis de se retirer sans combattre, et de livrer le pays à ceux qui venaient l’envahir ; les rois, au contraire, avaient décidé qu’il valait mieux mourir dans la patrie que de fuir avec le peuple. D’un côté, ils envisageaient les avantages dont ils avaient joui jusqu’alors ; et, d’un autre, ils prévoyaient les maux qu’ils auraient indubitablement à souffrir s’ils abandonnaient leur patrie.

Les deux partis persévérant dans leur première résolution, la discorde s’alluma entre eux de plus en plus. Comme ils étaient égaux en nombre, ils en vinrent aux mains. Tous ceux qui périrent dans cette occasion furent enterrés, par le parti du peuple, près du fleuve Tyras, où l’on voit encore aujourd’hui leurs tombeaux. Après avoir rendu les derniers devoirs aux morts, on sortit du pays et les Scythes, le trouvant désert et abandonné, s’en emparèrent.

XII. Ou trouve encore aujourd’hui, dans la Scythie, les villes de Cimmérium et de Porthmies Cimmériennes. On y voit aussi un pays qui retient le nom de Cimmérie,