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MELPOMÈNE, LIVRE IV.

mier que nous sachions qui l’ait prouvé. Lorsqu’il eut fait cesser de creuser le canal qui devait conduire les eaux du Nil au golfe Arabique, il fit partir des Phéniciens sur des vaisseaux, avec ordre d’entrer, à leur retour, par les colonnes d’Hercule, dans la mer Septentrionale, et de revenir de cette manière en Égypte.

Les Phéniciens, s’étant donc embarqués sur la mer Érythrée, naviguèrent dans la mer Australe. Quand l’automne était venu, ils abordaient à l’endroit de la Libye où ils se trouvaient, et semaient du blé. Ils attendaient ensuite le temps de la moisson, et, après la récolte, ils se remettaient en mer. Ayant ainsi voyagé pendant deux ans, la troisième année ils doublèrent les colonnes d’Hercule, et revinrent en Égypte. Ils racontèrent, à leur arrivée, que, en faisant voile autour de la Libye, ils avaient eu le soleil à leur droite. Ce fait ne me paraît nullement croyable[1] ; mais peut-être le paraîtra-t-il à quelque autre. C’est ainsi que la Libye a été connue pour la première fois.

XLIII. Les Carthaginois racontent que, depuis ce temps, Sataspes, fils de Téaspis, de la race des Achéménides, avait reçu l’ordre de faire le tour de la Libye, mais qu’il ne l’acheva pas. Rebuté par la longueur de la navigation et effrayé des déserts[2] qu’il rencontra sur sa route, il revint sur ses pas sans avoir terminé les travaux que sa mère lui avait imposés.

Sataspes avait fait violence à une jeune personne, fille de Zopyre, fils de Mégabyze. Étant sur le point d’être mis en croix pour ce crime par les ordres de Xerxès, sa mère, qui était sœur de Darius, demanda sa grâce, promettant de le punir plus rigoureusement que le roi ne le voulait, et qu’elle le forcerait à faire le tour de la Libye jusqu’à ce qu’il parvînt au golfe Arabique. Xerxès lui ayant accordé

  1. Hérodote ne doute point que les Phéniciens n’aient fait le tour de l’Afrique, et qu’ils ne soient revenus en Égypte par le détroit de Gibraltar. Mais il ne peut croire que dans le cours de leur navigation ils aient eu le soleil à droite. Les Phéniciens devaient cependant l’avoir nécessairement après qu’ils eurent passé la ligne ; et cette circonstance précieuse, et qui n’a pu être imaginée dans un siècle où l’astronomie était encore en son enfance, assure l’authenticité de ce voyage, dont, sans cela, on pourrait douter. (L.)
  2. Les côtes de l’Afrique n’étaient point habitées.