Page:Hérodote - Histoire, trad. Larcher, tome 1, 1850.djvu/351

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
352
HISTOIRE D’HÉRODOTE.

Revenons maintenant au sujet dont je m’étais proposé de parler au commencement de ce livre.

LXXXIII. Darius fit de grands préparatifs contre les Scythes ; il dépêcha de toutes parts des courriers, pour ordonner aux uns de lever une armée de terre, aux autres d’équiper une flotte, à d’autres enfin de construire un pont de bateaux sur le Bosphore de Thrace. Cependant Artabane, fils d’Hystaspes et frère de Darius, n’était nullement d’avis que le roi entreprît de porter la guerre en Scythie. Il lui représenta la pauvreté des Scythes ; mais quand il vit que ses remontrances, quoique sages, ne faisaient aucune impression sur son esprit, il n’insista pas davantage. Les préparatifs achevés, Darius, à la tête de son armée, partit de Suses.

LXXXIV. Alors un Perse, nommé Œobazus, dont les trois fils étaient de cette expédition, pria Darius d’en laisser un auprès de lui. Ce prince lui répondit, comme à un ami dont la demande était modérée, qu’il les lui laisserait tous trois. Le Perse, charmé de cette réponse, se flattait que ses trois fils allaient avoir leur congé ; mais le roi ordonna à ceux qui présidaient aux exécutions de faire mourir tous les enfants d’Œobazus ; et, après leur mort, on les laissa en cet endroit-là même.

LXXXV. Darius se rendit de Suses à Chalcédoine, sur le Bosphore, où l’on avait fait le pont. Il s’y embarqua, et fit voile vers les îles Cyanées, qui étaient autrefois errantes, s’il faut en croire les Grecs. Il s’assit dans le temple, et de là se mit à considérer le Pont-Euxin : c’est, de toutes les mers, celle qui mérite le plus notre admiration. Elle a onze mille cent stades de longueur, sur trois mille trois cents de largeur[1], à l’endroit où elle est le plus large. L’em-

  1. Le chevalier Chardin prétend que cela fait 462 lieues de 15 au degré astronomique ; ce qui est, dit-il, une erreur si étrange, qu’il ne sait comment l’excuser. Il est cependant bien aisé de justifier Hérodote. Si cet historien avait eu en vue le stade olympique, cela ne ferait que 419 lieues, ce qui est bien éloigné du compte de Chardin ; mais il ne s’agit pas de ce stade, mais de celui de 51 toises, dont Hérodote fait presque toujours usage. Onze mille cent de ces stades donnent 226 de nos lieues, ce qui est la longueur du Pont-Euxin, comme on peut s’en assurer par la carte de d’Anville. La largeur du pont-Euxin étant de 3 300 stades, cela fera 67 lieues et un tiers. (L.)