Page:Hérodote - Histoire, trad. Larcher, tome 1, 1850.djvu/413

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
414
HISTOIRE D’HÉRODOTE.

de dire à Histiée : « Histiée, le roi Darius vous parle ainsi par ma bouche : Après y avoir bien pensé, je ne trouve personne qui ait pour moi et pour mon gouvernement plus d’attachement que vous. J’en ai pour garants vos actions, et non de vains discours. Je m’occupe actuellement de grands projets, votre présence m’est absolument nécessaire ; je vous attends pour vous les communiquer. »

Histiée, persuadé par ce discours, et tenant à grand honneur d’être admis dans les conseils du roi, vint à Sardes. Darius lui dit à son arrivée : « Je vous ai mandé parce que, depuis mon retour de Scythie et votre absence, je n’ai rien tant désiré que de vous revoir et de m’entretenir avec vous, convaincu qu’un ami prudent et attaché à nos intérêts est le bien le plus précieux. Or j’ai remarqué ces deux qualités en vous, et je puis en rendre témoignage. Je vous sais gré d’être venu. Écoutez maintenant ce que j’ai à vous proposer. Laissez là Milet et la nouvelle ville que vous bâtissez en Thrace ; suivez-moi à Suses, vous aurez part à tous mes biens, vous mangerez à ma table, et vous serez de mon conseil. »

XXV. Ce discours fini, Darius partit pour Suses avec Histiée, après avoir nommé Artapherne, son frère de père, gouverneur de Sardes, et Otane commandant des côtes maritimes. Celui-ci était fils de Sisamnès, l’un des juges royaux que Cambyse avait fait mourir et écorcher après sa mort, parce qu’il avait reçu de l’argent pour rendre un jugement injuste. On lui avait ensuite découpé la peau par bandes, et l’on en avait couvert le siége où il rendait la justice[1]. Cela fait, Cambyse donna au fils la place du père, lui recommandant d’avoir toujours ce siége présent à l’esprit.

XXVI. Cet Otane, qui avait rendu la justice sur ce tribunal, succéda alors à Mégabyse dans le commandement

  1. Il paraît qu’il était d’usage en Perse de couvrir de la peau des mauvais juges les siéges où ils avaient rendu la justice. On les faisait quelquefois mourir avant de les écorcher, mais quelquefois aussi on les écorchait en vie. Artaxerxès traita de la sorte des juges qui avaient rendu des sentences iniques. Ils furent écorchés vifs, l’on étendit leurs peaux sur leurs siéges, afin que les juges eussent toujours sous les yeux un exemple de la punition qu’on infligeait aux prévaricateurs. (L.)