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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

Quand les autres députés, envoyés en divers pays, furent aussi de retour avec les réponses des oracles, Crésus les ouvrit, et les examina chacune en particulier. Il y en eut sans doute qu’il n’approuva point ; mais, dès qu’il eut entendu celle de l’oracle de Delphes, il la reconnut pour vraie, et l’adora, persuadé que cet oracle était le seul véritable, comme étant le seul qui eût découvert ce qu’il faisait[1]. En effet, après le départ des députés qui allaient consulter les oracles au jour convenu, voici ce dont il s’était avisé. Il avait imaginé la chose la plus impossible à deviner et à connaître. Ayant lui-même coupé par morceaux une tortue et un agneau, il les avait fait cuire ensemble dans un vase d’airain, dont le couvercle était de même métal. Telle fut la réponse de Delphes.

XLIX. Quant à celle que reçurent les Lydiens dans le temple d’Amphiaraüs, après les cérémonies et les sacrifices prescrits par les lois, je n’en puis rien dire. On sait uniquement que Crésus reconnut aussi la véracité de cet oracle.

L. Ce prince tâcha ensuite de se rendre propice le dieu de Delphes par de somptueux sacrifices, dans lesquels on immola trois mille victimes de toutes les espèces d’animaux qu’il est permis d’offrir aux dieux. Il fit ensuite brûler sur un grand bûcher des lits dorés et argentés, des vases d’or, des robes de pourpre et autres vêtements, s’imaginant par cette profusion se rendre le dieu plus favorable. Il enjoignit aussi aux Lydiens d’immoler au dieu toutes les victimes que chacun aurait en sa puissance. Ayant fait fondre, après ce sacrifice, une prodigieuse quantité d’or, il en fit faire cent dix-sept demi-plinthes, dont les plus longues avaient six palmes,

  1. Rollin explique ce prodige en disant que « Dieu, pour punir l’aveuglement des païens, permit quelquefois que les démons leur rendissent des réponses conformes à la vérité. » Le démon qui rendait les oracles à Delphes avait-il donc plus de sagacité ou l’odorat plus fin que ceux d’Ammon, de Dodone, d’Abes en Phocide, et des Branchides ? Cicéron me paraît plus sage lorsqu’il dit : Cur autem hoc credam unquam editum Crœso ? aut Herodotum cur veraciorem ducam Ennio ? Num minus potuit ille de Crœso quum de Pyrrho fingere Ennius ? Je ne pense point cependant qu’Hérodote ait inventé ce conte. Il le trouva établi et le crut, parce qu’il était analogue à la superstition de son pays. (L.)