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TERPSICHORE, LIVRE V.

roi de Macédoine, lui donna la ville d’Anthémonte, et les Thessaliens celle d’Iolcos ; mais il n’accepta ni l’une ni l’autre de ces offres, et retourna à Sigée. Pisistrate ayant conquis cette place sur les Mytiléniens, y avait établi pour tyran un fils naturel, nommé Hégésistrate, qu’il avait eu d’une femme d’Argos. Mais ce jeune homme ne jouit pas tranquillement du bien qu’il tenait de lui. Les Mytiléniens et les Athéniens étaient depuis longtemps en guerre, et les villes d’Achilléium et de Sigée leur servaient de place d’armes, d’où ils faisaient de fréquentes courses sur le territoire des uns et des autres. Les premiers redemandaient ce pays ; les autres ne convenaient pas qu’il leur appartînt, et de plus ils prouvaient qu’eux-mêmes, et tous les autres Grecs qui avaient aidé Ménélas à venger le rapt d’Hélène, avaient autant de droit au territoire de Troie que les Éoliens.

XCV. Il arriva dans cette guerre, et dans les combats que se livrèrent ces deux peuples, beaucoup d’aventures de toute espèce, et une entre autres qui regarde le poëte Alcée[1]. Dans une action où les Athéniens eurent l’avantage, il s’enfuit, et laissa en leur pouvoir son bouclier, qu’ils appendirent à Sigée[2] dans le temple de Minerve. Il composa, sur ce sujet, une ode qu’il envoya à Mytilène, et dans laquelle il racontait à Ménalippe, son ami, le malheur qui lui était arrivé. Périandre, fils de Cypsélus, rétablit

  1. Poëte lyrique très-célèbre, grand ennemi des tyrans, qu’il a immolés dans ses vers à l’amour de la liberté. Il fleurissait en la xliie olympiade, comme on le présume par des synchronismes. Suidas nous apprend en effet que Pittacus tua en cette olympiade Mélanchrus, tyran de Mytilène, et nous voyons dans Diogène Laërce qu’il fut aidé dans cette entreprise par les frères d’Alcée. Il ne nous reste de ce poëte que des fragments qui ont été rassemblés avec soin par Henri Estienne, à la suite de son Pindare en deux volumes in-16. (L.)
  2. Chez les anciens, c’était un grand honneur pour les vainqueurs que d’enlever les armes aux ennemis, et une grande ignominie aux vaincus de les perdre. Les lois établies dans la plupart des États de la Grèce punissaient même ceux qui, dans une déroute, perdaient leur bouclier. Ce malheur arriva au poëte Archiloque dans la guerre des Thasiens contre les Saïens, peuples de Thrace : moins sage qu’Alcée, il osa s’en vanter dans ses vers ; et en cela il fut imité par Horace. Les Romaines n’en firent que rire de la plaisanterie naïve d’Horace ; mais les Spartiates, plus austères que les Romaines, chassèrent Archiloque de Sparte, où la curiosité l’avait conduit. (L.)