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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

mais ce que vous souhaiterez désormais, je vous l’accorde. » À ces mots, Crésus envoie des Lydiens à Delphes, avec ordre de placer ses fers sur le seuil du temple, de demander au dieu s’il ne rougissait pas d’avoir par ses oracles excité Crésus à la guerre contre les Perses, dans l’espoir de ruiner l’empire de Cyrus ; de lui montrer ses chaînes, seules prémices qu’il pût lui offrir de cette expédition, et de lui demander si les dieux des Grecs étaient dans l’usage d’être ingrats.

XCI. Les Lydiens ayant exécuté à leur arrivée à Delphes les ordres de Crésus, on assure que la Pythie leur fit cette réponse : « Il est impossible même à un dieu d’éviter le sort marqué par les destins. Crésus est puni du crime de son cinquième ancêtre, qui, simple garde d’un roi de la race des Héraclides, se prêta aux instigations d’une femme artificieuse, tua son maître et s’empara de la couronne, à laquelle il n’avait aucun droit. Apollon a mis tout en usage pour détourner de Crésus le malheur de Sardes, et ne le faire tomber que sur ses enfants ; mais il ne lui a pas été possible de fléchir les Parques. Tout ce qu’elles ont accordé à ses prières, il en a gratifié ce prince. Il a reculé de trois ans la prise de Sardes. Que Crésus sache donc qu’il a été fait prisonnier trois ans plus tard qu’il n’était porté par les destins. En second lieu, il l’a secouru lorsqu’il allait devenir la proie des flammes. Quant à l’oracle rendu, Crésus a tort de se plaindre. Apollon lui avait prédit qu’en faisant la guerre aux Perses, il détruirait un grand empire : s’il eût voulu prendre sur cette réponse un parti salutaire, il aurait dû envoyer demander au dieu s’il entendait l’empire des Lydiens ou celui de Cyrus. N’ayant ni saisi le sens de l’oracle ni fait interroger de nouveau le dieu, qu’il ne s’en prenne qu’à lui-même. Il n’a pas non plus, en dernier lieu, compris la réponse d’Apollon relativement au mulet. Cyrus était ce mulet, les auteurs de ses jours étant de deux nations différentes : son père était d’une origine moins illustre que sa mère ; celle-ci était Mède et fille d’Astyages, roi des Mèdes ; l’autre, Perse et sujet de la Médie ; et, quoique inférieur en tout, il avait cependant épousé sa