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CLIO, LIVRE I.

CXXII. Astyages, ayant ainsi parlé, renvoya Cyrus en Perse. Cambyse et Mandane, ayant appris ce qu’il était, le reçurent et l’embrassèrent, comme un enfant qu’ils avaient cru mort en naissant. Ils lui demandèrent comment il avait été conservé : Cyrus leur répondit que jusqu’alors il l’avait ignoré, et qu’à cet égard il avait été dans une très-grande erreur ; qu’en chemin il avait été instruit de ses malheurs ; qu’il s’était cru fils du bouvier d’Astyages, mais que, depuis son départ, il avait tout appris de ses conducteurs. Il leur conta comment il avait été nourri par Cyno, la femme du bouvier, dont il ne cessait de se louer et de répéter le nom. Son père et sa mère, se servant de ce nom pour persuader aux Perses que leur fils avait été conservé par une permission particulière des dieux, publièrent partout que Cyrus ayant été exposé dans un lieu désert, une chienne l’avait nourri. Voilà ce qui donna lieu au bruit qui courut.

CXXIII. Cyrus étant parvenu à l’âge viril, comme il était le plus brave et le plus aimable des jeunes gens de son âge, Harpage, qui désirait ardemment se venger d’Astyages, lui envoyait des présents, et le pressait de le seconder. Étant d’une condition privée, il ne voyait pas qu’il lui fût possible de se venger par lui-même de ce prince ; mais ayant observé que Cyrus, en croissant, lui donnait l’espoir de la vengeance, et venant à comparer les aventures de ce prince et ses malheurs avec les siens, il s’attacha à lui et se l’associa. Il avait déjà pris quelques mesures, et il avait su profiter des traitements trop rigoureux que le roi faisait aux Mèdes, pour s’insinuer dans l’esprit des grands, et leur persuader d’ôter la couronne à Astyages, et de la mettre sur la tête de Cyrus.

Cette trame ourdie, et tout étant prêt, Harpage voulut découvrir à Cyrus son projet ; mais comme ce prince était en Perse, et que les chemins étaient gardés, il ne put trouver, pour lui en faire part, d’autre expédient que celui-ci. S’étant fait apporter un lièvre, il ouvrit le ventre de cet animal d’une manière adroite, et sans en arracher le poil ; et, dans l’état où il était, il y mit une lettre où il avait écrit ce qu’il avait jugé à propos. L’ayant ensuite