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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

toute autre chose. Secouez donc au plus tôt le joug sous lequel Astyages vous tient asservis. »

CXXVII. Les Perses, qui depuis longtemps étaient indignés de se voir assujettis aux Mèdes, ayant trouvé un chef, saisirent avec plaisir l’occasion de se mettre en liberté. Astyages, ayant eu connaissance des menées de Cyrus, le manda auprès de lui par un exprès. Cyrus commanda au porteur de cet ordre de lui dire qu’il irait le trouver plus tôt qu’il ne souhaitait. Sur cette réponse, Astyages fit prendre les armes à tous les Mèdes ; et, comme si les dieux lui eussent ôté le jugement, il donna le commandement de son armée à Harpage, ne se souvenant plus de la manière dont il l’avait traité. Les Mèdes, s’étant mis en campagne, en vinrent aux mains avec les Perses. Tous ceux à qui Harpage n’avait point fait part de ses projets se battirent avec courage. Quant aux autres, il y en eut une partie qui passa d’elle-même du côté des Perses ; mais le plus grand nombre se comporta lâchement de dessein prémédité.

CXXVIII. Astyages n’eut pas plutôt appris la déroute honteuse des Mèdes, et que son armée était entièrement dissipée, qu’il s’emporta en menaces contre Cyrus. « Non, dit-il, Cyrus n’aura pas sujet de s’en réjouir. » Il n’en dit pas davantage ; mais il commença par faire mettre en croix les mages, interprètes des songes, qui lui avaient conseillé de laisser partir Cyrus. Il fit ensuite prendre les armes à ce qui restait de Mèdes dans la ville, jeunes et vieux, les mena contre les Perses, et leur livra bataille. Il la perdit, avec la plus grande partie de ses troupes, et tomba lui-même entre les mains des ennemis.

CXXIX. Harpage, charmé de le voir dans les fers, se présenta devant lui, l’insulta ; et, entre autres reproches, lui ayant rappelé ce repas où il avait fait servir la chair de son fils, il lui demanda quel goût il trouvait à l’esclavage qui en était une suite, et s’il le préférait à une couronne. Astyages lui demanda à son tour s’il s’attribuait l’entreprise de Cyrus. Harpage reprit qu’il le pouvait avec justice, puisque c’était lui qui l’avait préparée en écrivant à