Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/127

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avait gardée du protestantisme dut nécessairement le rendre également conciliant. À Venise même il avait déclaré à différentes personnes, qui confirmèrent le fait par-devant l’Inquisition, qu’il préparait un ouvrage qu’il voulait présenter au Pape, dans l’espérance qu’il lui permettrait de demeurer à Rome pour se livrer à ses occupations littéraires. En même temps il voulait soumettre au Pape les écrits qu’il reconnaissait maintenant être de lui, espérant recevoir l’absolution de ses fautes. Peut-être pensait-il que la vérité symbolique qu’il attribuait dans son système aux idées ecclésiastiques ferait passer sa philosophie, d’autant plus que, en vertu de l’ « ignorance consciente » il accordait à la foi une place autonome, en dehors du domaine des sciences. Voilà pourquoi il commence ingénument à raconter sa vie aux inquisiteurs et à leur exposer sa philosophie ; il leur déclare par exemple que ce que l’Église appelle le saint Esprit est pour lui l’âme du monde, qui fait la cohésion de l’univers, et tandis que les âmes « catholicamente parlando » vont après la mort au paradis, au purgatoire ou en enfer, il enseigne « seguendo le raggion filosofiche » que la vie psychique est immortelle et qu’elle prend sans cesse de nouvelles formes, conception qu’il trouve exprimée dans l’antique doctrine de la métempsychose. À vrai dire, il ne s’autorise pas, comme fait Pomponace, du principe que quelque chose peut être vrai pour la théologie sans être vrai pour la philosophie. Il ne croyait pas à une vérité double, mais bien à une double forme de la vérité. Le rapport de sa philosophie avec la doctrine de l’Église lui est apparu à peu près comme le rapport de la théorie de Copernic avec l’intuition sensible. Il faut accorder toutefois qu’il ne parvint jamais à mettre une clarté parfaite dans ses idées. On comprend d’autant mieux que — tout entier à l’impression du moment, flottant entre l’exaltation et l’abattement — il ait pu s’affaisser et que, pour sauver ses chances de mener la tranquille vie de littérateur qu’il a dû souhaiter après ses années tourmentées de scolastique errant, il ait fait, tel plus tard Galilée, la confession qu’on exigeait de lui, au lieu d’opposer à la conception dogmatique de l’Église sa propre conception du christianisme.

Peut-être se serait-il ainsi tiré d’affaire, et alors il ne se