Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/129

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tence. Il fut dégradé, excommunié et livré au bras séculier, le gouverneur de Rome, avec la prière hypocrite accoutumée de le punir avec indulgence et sans verser de sang. Bruno répondit par un geste de menace : « Vous qui prononcez contre moi cet arrêt, vous avez peut-être plus peur que moi, contre qui il est rendu ! » II faisait sans doute allusion à la peur qu’ils avaient de la vérité, tandis que lui avait surmonté la crainte de la souffrance au service de la vérité ! Alors il vit clairement ce dont il ne s’était pas aperçu à Venise, qu’il s’agissait de sauvegarder les droits de la libre recherche de la vérité. Il n’eut plus de fluctuations. Il fut brûlé vif le 17 février 1600 sur le Campo di fiora et affronta stoïquement la mort. Il repoussa un prêtre qui voulait lui tendre un crucifix et expira sans pousser un cri. Ses cendres furent abandonnées aux vents. — Mais à l’endroit où il fut brûlé on lui a érigé en 1889 une statue avec le produit des souscriptions du monde civilisé tout entier et l’État italien prépare actuellement à ses frais une édition de luxe de ses œuvres. —

Maintenant que nous connaissons la vie et la personnalité du plus grand philosophe de la Renaissance, nous allons passer à l’exposition détaillée de sa philosophie.

b) Fondement et développement du nouveau système du monde.

Giordano est un des premiers penseurs qui aient clairement conscience que les grandes pensées sont dues à une longue suite d’expériences successives. Il croit avoir émis de grandes idées, mais il sait aussi ce qu’il doit à ses devanciers, notamment aux astronomes sur les observations desquels il s’appuie. À l’ère de la Renaissance, on était encore enclin à remonter à l’antiquité comme à la source de toute vérité ; de même que l’Église remontait à l’époque où les révélations se sont produites. Bruno prétend, lui, que les hommes actuels sont plus vieux que « les anciens », car ils s’appuient sur une expérience plus riche qu’eux. Eudoxe n’a pas su autant de choses que Hipparque, et ce dernier n’en a pas su autant que Copernic. Et il vante Copernic pour avoir continué l’œuvre de ses devan-