Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/135

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croyance avec l’opinion que la terre est le centre absolu : Dès que l’on se fait à l’idée que chaque corps céleste est en quelque sorte centre et peut se mouvoir librement dans l’espace, ainsi que la terre, la nécessité disparaît aussi de croire aux sphères. Et pourquoi les corps célestes auraient-ils besoin de forces extérieures pour se mouvoir ? Chacun d’eux a, comme tout ce qui est au monde, une force d’impulsion qui le guide en avant ; chaque corps céleste et chaque monde en petit ont une source de vie et de mouvement en eux-mêmes, et l’espace est le grand médium éthéré où agit l’âme universelle qui embrasse tout, sans avoir besoin des esprits spéciaux des sphères pour mettre en mouvement les régions particulières. Bruno trouva une confirmation de sa conception dans les recherches de Tycho Brahé sur les comètes. Peut-être même a-t-il écrit son poème didactique latin De l’immensité et des mondes innombrables dans l’intention de montrer que ces recherches confirment les opinions qu’il avait développées en partant d’autres principes dans le dialogue en italien De l’univers infini et des mondes. Il y célèbre le savant danois comme le premier des astronomes d’alors (Ticho Danus, nobilissimus atque princeps astronomorum nostri temporis) et il le loue d’avoir mis un terme aux sphères fixes que l’on prétendait envelopper par couches notre monde29). Les comètes traversaient en biais dans cette conception les « sphères » dont les masses de cristal séparaient les régions célestes les unes des autres !

Telles sont les considérations de Bruno que l’on peut résumer pour en tirer le fondement de la connaissance du nouveau système du monde. Passons maintenant à ce que l’on pourrait appeler le fondement de sa philosophie de la religion. Il le tire de l’idée de l’infini de la divinité, qui dès le début est chose constante pour Bruno, et il se croyait sans doute autorisé à supposer que ses lecteurs et ses adversaires la partageaient, sans qu’il s’expliquât toutefois ce que cette idée renfermait. C’était pour Bruno comme une contradiction qui se dressait de voir qu’à la cause infinie ne devait pas correspondre d’effet infini. Si la divinité, qui comprend dans son ensemble primordial tout ce qui se développe dans l’univers, est infinie, l’univers qui est la forme développée de l’être divin, doit nécessairement être