Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/143

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tôt substance spirituelle et substance matérielle, et toutes deux existent éternellement. L’âme universelle est à la fois la forme éternelle qui comprend les formes individuelles qui naissent et disparaissent, et l’esprit infini qui subsiste sous le changement des esprits finis. Tout être est animé et informé, d’ailleurs d’une façon différente, du moins dans la disposition (secondo la sustanza), sinon dans le développement réel (secondo l’atto). Mais ces deux substances reviennent pour lui finalement à une seule substance ; elles partent d’une racine unique, elles peuvent se ramener à un seul Être. On ne saurait admettre plusieurs substances universelles ; il ne peut y avoir qu’una originale et universale sustanza qui est au fond de toutes les divergences révélées par l’existence. Il va même jusqu’à déclarer que ce qui produit les diversités des choses n’appartient pas à l’essence des choses, mais seulement à leur apparence sensible. Dans l’unité suprême, but de la connaissance, la différence entre esprit et forme, et matière, est donc abolie, de même la différence entre forme et matière, activité et passivité, réalité et possibilité31. En un mot, toutes les antinomies et toutes les diversités de l’existence se fondent dans la substance éternelle en unité et en harmonie (unita et convenienza), sans possibilité de modification en un sens quelconque et sans possibilité pour quoi que ce soit de s’opposer à cette substance ; de même qu’il ne saurait non plus rien y avoir qui fût dans un rapport d’égalité avec elle, vu qu’il n’existe rien en dehors d’elle. Comme elle est de toute éternité, la différence entre heure, jour, année et siècle disparaît pour elle ; de même les divergences des êtres finis entre eux — entre la fourmi et l’homme, entre l’homme et l’étoile — deviennent imperceptibles en proportion de la substance infinie qui embrasse tout. Cette unité et cette plénitude infinies, notre pensée ne saurait non plus pour cette raison les saisir. Nous ne pouvons nous en faire qu’une idée négative en tâchant d’éliminer les différences et les oppositions. Tout ce que nous comprenons, nous le façonnons en unité, mais l’unité absolue dépasse notre pouvoir. Par cette théologie négative, Bruno se révèle comme le disciple de Nicolas de Cusa ainsi que par sa doctrine de la relativité de la connaissance. Il s’arrête (De la