Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/146

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caractère tragique, en tous cas il est empreint de résignation. C’est sous ce jour qu’il conçoit l’existence dans son ouvrage Des folies héroïques.

Les paroles par lesquelles Bruno pose l’originalité individuelle comme mesure de la perfection et où il fait ressortir l’importance des petits éléments pour les grands résultats se trouvent dans les écrits de Francfort, par conséquent dans le dernier groupe d’ouvrages qui, comme le démontre Felice Tocco, expriment le troisième point de vue de Bruno. Ici, encore plus que dans les écrits de Londres, il s’éloigne de l’absorption néoplatonicienne en un principe surnaturel. Alors que dans les écrits de Londres il s’appesantissait surtout sur l’enchaînement et la réciprocité d’action, il attache ici une importance particulière aux éléments individuels entre lesquels s’opère l’action réciproque. Il met en relief l’individuel dans sa particularité : il ne se trouve pas, prétend-il par exemple, deux choses, deux cas, deux moments qui soient absolument semblables. Et ces éléments qui en fin de compte, composent tout, sont ce qui est proprement substantiel. Ce qui se présente à nos sens comme cohérent, consiste en petits corpuscules, de même que le nombre se compose d’unités. L’atome (ou le minimum ou la monade) est ce qui n’a pas de partie et ce qui lui-même est la première partie d’un phénomène. Dans tout domaine il nous faut remonter aux éléments constituants qui sont ce qui ne se décompose pas quand le phénomène entier se décompose. Un être composé ne peut pas être substance. Bruno déclare catégoriquement que la division ne peut se continuer à l’infini et il blâme non seulement les physiciens, mais les mathématiciens d’avoir cru à cette division infinie. Cependant, à vrai dire, il n’était pas dans son idée d’établir des atomes absolus. Il imagine des atomes de degrés différents ; des atomes d’un certain degré peuvent renfermer des atomes d’un autre degré. Il est donc clair que chez lui la notion d’atome est un concept relatif. Des deux termes dont se compose sa définition du minimum :

Est minimum, cujus pars nulla est, prima quod est pars,

il ne peut, à proprement parler, soutenir, que le dernier.