Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/152

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tantisme que le catholicisme qui en fait les frais. Il craignait de voir les conséquences utiles et pratiques de la religion positive se perdre par le fait du protestantisme (principalement du calvinisme), qui engendre des sentiments séditieux, la querelle entre proches parents, la guerre civile et une polémique dogmatique incessante. Chaque pédant a en effet dans sa poche son catéchisme qu’il se propose de faire paraître, s’il ne l’a fait déjà, et demande que tous les autres hommes se règlent sur ce catéchisme. Ce qui choque peut-être le plus Bruno, c’est de voir que les protestants vantent la foi par opposition avec les œuvres. C’est, dit-il, ouvrir le chemin à la barbarie. Cela conduit à s’assimiler et à consommer ce qu’ont fait les ancêtres sans l’augmenter. Les hôpitaux et les maisons de charité, les écoles et les universités, on ne les doit pas à la nouvelle, mais à l’ancienne Église, et c’est une injustice que ceux qui répudient les œuvres se les approprient. Au lieu de réformer, ils retranchent absolument le bien de la religion. Ces propos (Spaccio, p. 446 et suiv., 466 et suiv.) résultent évidemment des expériences faites par Bruno à Genève, en France et en Angleterre. Il n’a pas aperçu les nouveaux germes de vie de l’esprit protestant, il est vrai qu’au milieu de l’effervescence et des accusations réciproques d’hérésie il devait être difficile de les découvrir. Sa sympathie va manifestement à l’ancienne Église et l’on comprend qu’il ait eu le sentiment d’être sans foyer. Il avait autant de difficulté à s’orienter dans le pêle-mêle du monde humain que sa pensée de facilité à se mouvoir librement dans les horizons infinis de l’espace céleste. Il ne voyait pas que le protestantisme est un copernicanisme dans le domaine de l’esprit : qu’il voulait faire de chacun en particulier un centre du monde. Le fanatisme et la pédanterie des théologiens protestants le rendirent aveugle pour le processus d’affranchissement qui se préparait ici. Il est vrai qu’il n’était seulement que préparé.

Dans ses écrits symboliques (le Spaccio et la Cabala) Bruno fait la satire de plusieurs idées dogmatiques, telles que l’incarnation et la transubstantiation. C’est ce qui lui valut sa condamnation malgré toutes ses protestations que les points de vue de la vraie religion étaient dégagés dans sa philosophie. Il est