Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/174

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spirituelle. » Conséquemment, il voit dans l’aspiration et dans l’attente perpétuelle de l’homme une preuve de ce qui se fait sentir dans la nature même, dont l’homme est le symbole.

Malgré tout l’intérêt qu’offrent ces indications, elles ne lui valent pas la place éminente qu’il occupe dans l’histoire de la pensée ; il la doit à l’idée de la combinaison de l’expérience avec la pensée exacte. Un siècle dut s’écouler avant que le développement de cette idée pût être continué par de grands savants qui devaient nécessairement la découvrir en suivant leurs voies propres.

3. — Jean Kepler

Nous l’avons déjà signalé : la nouvelle conception du monde se manifestait sous forme de spéculations mystiques, jusque dans l’atelier silencieux de Böhme. Son contemporain Jean Kepler, qui à de certains égards était un esprit de même nature que lui, parvint à trouver à la nouvelle conception un fondement plus exact que celui sur lequel elle avait pu jusqu’alors s’appuyer. Grâce à une combinaison de facultés et de goûts en apparence incompatibles, il fut amené, à force de travail enthousiaste et de persévérance, à délaisser la sublimité de ses spéculations pour fonder une science expérimentale exacte. Comme Bruno, Kepler a besoin d’un vaste horizon, comme lui, il est animé du désir impétueux d’exprimer les pensées qui agitent son âme. « Je ne connais pas, dit-il, de plus grand tourment que de ne pouvoir déclarer ce que je ressens dans mon for intérieur — et à plus forte raison, — de dire l’opposé de ce que je pense. » Du reste l’orthodoxie lui fit suffisamment sentir sa résistance ; grâce à l’étroitesse d’esprit et à la grande superstition du temps, elle jeta des ombres lugubres sur le cours de son existence. Toutefois son amour de la vérité et son infatigable ardeur au travail le soutinrent en dépit de toutes les contrariétés.

Kepler naquit en 1571 à Weil dans le Wurtemberg. C’était un Souabe, comme tant d’autres penseurs les plus profonds de l’Allemagne. Il fut élevé au séminaire de théologie de Tubingue, où il fit ses humanités, et cultiva la philosophie, les mathématiques et l’astronomie. C’est là qu’il fut initié à la