Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/321

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aeterni) : elle n’envisage dans les choses que ce qui manifeste en elles la nécessité éternelle et elle ne voit en elles que des exemples de cette nécessité. Spinoza regarde le rapport de causalité lui-même comme un principe nécessaire de la raison. Dans l’Éthique il pose en principe qu’une chose doit avoir sa cause ou bien en soi-même ou bien en quelque chose d’autre. Or la substance, qui est ce qui existe par soi-même et est intelligible par soi-même, ne pouvant avoir sa cause dans une autre chose, doit avoir sa cause en elle-même et par suite exister nécessairement. Si l’on nie ce principe, il faut nier également le principe que toute chose doit nécessairement avoir une cause (ou bien en soi, ou bien en dehors de soi). Et que cela est un principe de raison, cela ressort également de ce que le rapport de deux choses entre elles, considérées comme effet et comme cause, signifie que l’idée de l’une peut se dériver de l’idée de l’autre ; la connaissance de l’effet est seulement la connaissance d’une propriété spéciale de la cause ; les deux idées ont quelque chose de commun. Ce n’est que si le rapport dans le temps et d’une manière générale la différence entre cause et effet disparaît, en voyant dans l’effet la conséquence logique de la cause (ce qui serait, il est vrai, l’achèvement idéal de la connaissance), que l’on peut nommer la substance ou « les choses éternelles » la cause des phénomènes. Et ce n’est qu’en supposant cette confusion de raison et de cause qu’on comprend que Spinoza ait pu espérer édifier une connaissance purement rationnelle de l’existence, ou comme on peut encore l’exprimer, concevoir l’existence comme un système rationnel dans son essence la plus intime. Le contre-pied de Spinoza est formé ici par la conception déjà indiquée par Brooke et par Glanvil (ainsi que par les occasionnalistes) et que Hume développa plus tard que la cause et l’effet sont des choses totalement différentes, manière de voir qui porte fatalement à douter de la possibilité de comprendre l’existence. —

La connaissance rationnelle (ratio) nous porte bien à voir l’éternel et le nécessaire dans les choses, mais elle n’est pas pour Spinoza la forme suprême de la connaissance. Elle nous montre encore des antinomies entre la loi universelle et les phénomènes individuels, et ici la pensée est encore discursive, abou-