Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/8

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qui embrasse dans sa presciente richesse ce que l’investigation spécialisée ne peut souvent saisir que d’un seul côté.

Avant d’entrer plus avant dans l’exposition de la philosophie de la Renaissance, ainsi qu’elle se présente chez ses penseurs les plus considérables, nous devons donc jeter un coup d’œil en arrière sur le Moyen Âge, dont il s’agissait de se détacher.

Il serait faux de considérer le Moyen Âge comme l’époque des ténèbres absolues. Non seulement il se développa sous la domination, ou en dehors de la domination de l’Église, une vie populaire joyeuse et naturelle, qui a laissé des monuments dans les littératures nouvelles naissantes, mais, même dans la sphère du monde savant, il sera très difficile d’élever une barrière précise entre le Moyen Age et la Renaissance. Dans les pays romans en particulier, en Italie surtout, on n’avait jamais rompu complètement le lien qui rattachait à l’antiquité. Cependant on peut à juste titre regarder la Renaissance comme une période particulière, en disant qu’un temps vint, où la connaissance de la nature et de la vie humaine fut si abondante, qu’elle ne se laissait plus enfermer dans les barrières des idées ecclésiastiques. Mais ce ne sera non plus chose facile que de fixer exactement ce point d’évolution. Toutefois, cette difficulté ne nous concerne pas davantage ici, voulant nous borner à exposer la philosophie qui se forma vers la fin de la Renaissance, c’est-à-dire au cours du XVIe siècle. Aussi pouvons-nous faire abstraction de germes et d’essors qui offrent aussi bien un intérêt littéraire ou historique plutôt que philosophique.

Arrêtons-nous à la marche de l’esprit au Moyen Âge sous sa forme classique, mettons même à part les germes d’un dévelloppement ultérieur qui se présentent à nous dans la vie intellectuelle de cette époque, et nous verrons que le Moyen Âge a contribué considérablement au développement intellectuel, et qu’il n’était nullement un désert ou un monde de ténèbres, comme on le peint souvent encore. Il a approfondi la vie de l’esprit, dont il a aiguisé et exercé les facultés d’une façon considérable ; dans tous les cas, il ne le cède à aucune autre période pour l’énergie avec laquelle il tira parti des moyens de culture qui étaient à sa disposition, moyens très restreints, en raison de l’état de choses existant. Les périodes postérieures plus