Page:Haase - Syntaxe française du XVIIe siècle.djvu/137

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doit pas être omis dans ces genres de tournures, excepté dans : c’est dommage, cest grand dommage. L’Académie est du même avis. Corneille (I, 413) revient plus tard sur ce point et admet : c’est tromperie que de faire cela, en affirmant que l’article est nécessaire lorsque le substantif est déterminé par un adjectif : c’est une insigne tromperie. Ménage (I, p. 279) exige l’article avec un sujet construit avec il y a et déterminé par une proposition relative (Il y a tous les matins un marché en ce lieu-là qui dure depuis le matin jusqu’au soir) ; mais on peut très bien dire, selon lui : il y a marché tous les samedis en ce lieu-là. Vaugelas (II, 448) ne voudrait admettre les expressions comme en si belle compagnie qu’en poésie, exigeant l’article entre en et si en prose ; cependant il remarque qu’on dit aussi en prose : il ne se faut pas arrêter en si bon chemin, etc., et conclut que l’article est indispensable lorsque le substantif n’est pas à la fin de la phrase, c’est-à-dire lorsqu’il est suivi d’une détermination, comme dans l’exemple de Malherbe qu’il allègue : En si belle et si grande compagnie où elle fut portée.

Remarque I. Autre, pronom substantif, sujet ou complément direct, construit avec ne, s’emploie sans article au xviie siècle, et encore aujourd’hui[1]. Il ne se construit plus guère sans article ou sans pronom indéfini comme dans : Après avoir passé ici pour autre. (Mol., Fourb. de Scap., II, 6.) — Ces vers ne peuvent être d’autre que de lui. (Balz., Diss. chrét., II.) — Et ne crois pas qu’autre que moi la sache. (La Font., Fabl., VI, 6, 21.)

Remarque II. La langue du xviie siècle se sert souvent de l’article dans des constructions où la langue actuelle l’omet. (Voy. Chacun, § 47.) Cf. Dans leur sang répandu la justice étouffée, Aux crimes du vainqueur sert d’un nouveau trophée. (Corn., Cid, IV, 5, 1382.) — Ce « mais » servant comme d’une barrière entre-deux. (Vaugel., Rem., II, 89.) — Les autres... ont traité d’une superbe ridicule ces sentimens. (Pasc, Pens., I, 289.) — Il a tort... de me nommer un traître. (Rac., Théb., I, 3, 160.) — Et l’on sait ce que c’est qu’un courroux d’un amant. (Mol., Mis., IV, 2, 1268.) — Le désir de gloire conduit l’un à être usurpateur, et l’autre à servir de modèle d’un parfait citoyen. (La Rochef., Réfl., I, 319.) — Il m’auroit tenu lieu d’un père et d’un époux. (Rac., Andr., I, 4, 278 ) — Chacun, d’une part et d’autre, a fait ce qu’il a voulu. (Malh., II, 45.) — Et si, par un malheur, j’en avois fait autant, etc. (Mol., Mis., I, 1, 27.)

Remarque III. L’ancienne langue emploie souvent l’article indéfini à la place de l’article défini de la langue actuelle. Il en est de même au xviie siècle. Ex. : Je vois bien qu’avant qu’il fût peu vous n’auriez pas un sou. (Mol., B. G., V, 2.) — C’est un petit fou... qui n’a pas un sou. (Regn., Le Bal, sc. 12.) — La révolte de Monsieur fit périr le duc de M. sur un échafaud. (La Rochef., Mém., II, 19.) — Je suis aise que

  1. Cf. Littré, Autre, 7°.