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CHAPITRE I.

DU PRONOM.

I. Pronom personnel.

§ 1. Les nominatifs atones : je, tu, etc., servent, dans l’ancienne langue en même temps de nominatifs toniques ; ils sont remplacés dans ce dernier emploi au xviie siècle par les accusatifs moi, toi, etc. Ils commencent à disparaître définitivement au xve siècle, se rencontrent encore chez les écrivains du xvie s., tandis que ceux du xviie siècle ne s’en servent plus. La citation de Littré : Je qui chantai jadis Typhon (Scarr., Virg. I) est un cas tout exceptionnel[1].

Les grammairiens du xviie siècle n’ont pas l’occasion de parler de cet emploi ; ceux du xvie (Palsgrave, p. 333 et 336, Meigret, Ramus, H. Estienne) donnent la préférence à la forme moderne. Palsgrave, tout en distinguant « the nominatyve case : je ; the accusatyve and datyve : me ; the oblyque case : moy », n’admet je, tu, etc., que pour marquer la personne verbale ; il exige la forme tonique dans tous les autres cas et préfère : ce fut lui à : ce fut il. Contrairement à l’usage moderne, il réclame la forme atone (je, tu) avec même avant le verbe ; mais après le verbe, il exige la forme tonique (moi, toi) (p. 345) : Je mesmes te vit ; tu mesmes le fisje le ferai moy-mesmes ; tu le fis toy-mesmes[2].

Remarque. Il ne faut pas ranger ici des phrases comme : Bel esprit, il ne l’est pas qui veut. (Mol., F. sav., III, 2,820.) Le relatif semble se rapporter ici au nominatif d’un pronom atone, tandis qu’il s’agit de propositions relatives sans antécédents. C’est ce que prouve la forme primitive de ces sortes de phrases encore en usage quelquefois au xviie siècle. Ex. : N’a pas pourtant une Honesta qui veut. (La Font., Contes, V, 7,320.) — Voilà un défaut qu’un grand nombre d’auteurs vous envient : ne l’a pas qui veut. (Fén., Lettre à La Motte, 26 janv. 1714.) L’introduction du pronom il provient d’une tendance à donner un sujet

  1. Un débris de cet usage est resté dans la tournure : je soussigné, N. d. t.
  2. La langue actuelle dit : moi-même je le vis et : je le vis moi-même.