Page:Haase - Syntaxe française du XVIIe siècle.djvu/46

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Soi-même se rapporte à un nom de personne au pluriel. Ex. : Mais l’étroite vertu messied aux jeunes gens, Qui peuvent quelquefois, à soi-même indulgens, Suivre quelques désirs où leur âge les porte. (Rotrou, Cléag. et Dor., IV, 3.) — Seul entre les grammairiens du xvie siècle, Ramus fait remarquer qu’on peut employer eux comme pluriel de soi. (Les amis ont tous biens communs entre eux.) Vangelas (II, 269), et avec lui Th. Corneille et l’Académie, rejettent absolument soi se rapportant au pluriel des noms de personnes ; pour les noms de choses, Vaugelas blâme la phrase : Ces choses sont indifférentes de soi. À son avis il faut mettre : indifférentes d’elles-mêmes. Cependant il admet de soi placé avant le verbe, comme : ces choses de soi sont indifférentes (I, 275). L’Académie admet la première forme et rejette la seconde. Th. Corneille, à la suite de Bouhours (I, p. 287 et suiv.), érige en règle que lui doit se rapporter à des personnes déterminées, soi à des personnes indéterminées et à des choses. Il fait remarquer que Bouhours constate la tendance de la langue à représenter des noms de choses féminins par le pronom elle. Bouhours, Th. Corneille et l’Académie approuvent le pronom soi dans les locutions : cela va de soi ; cela est mauvais de soi.

II. Pronom possessif.

§ 14. Dans l’ancien français et souvent encore au xvie siècle, on employait pour marquer la possession, à la place du pronom possessif atone, le pronom personnel tonique avec de.

A. Cet emploi n’existe plus, pour ainsi dire, au xviie siècle. Cependant on construit quelquefois de avec le pronom personnel de la 3e pers. pour éviter l’équivoque, et aussi pour accentuer le pronom. On ne s’exprimerait plus de cette manière aujourd’hui.

Ex. : Il tira l’épée pour la frapper, si les frères d’elle ne l’en eussent empêché. (Vaugel., Q.-C., VIII, 3.) — Elle est jeune, en bon point. — Celui qui la menoit ? — Je ne le connois point. — Le nom d’elle ? — Aussi peu. (La Font., L’Eun., II, 4, 13.)

Remarque. Il ne faut pas confondre ces constructions avec des phrases comme celle-ci : Vous savez que Valère Pour être votre gendre a parole de vous (Mol., Tart., I, 5, 411), où il ne s’agit pas de possession, ce qui est indiqué d’ailleurs par l’absence de l’article devant le substantif. Cet emploi est particulier à Molière. Ainsi encore dans : Dessus les épaules de toi (Id., Fourb., III, 2), où il imite le langage populaire.