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C’était le bonheur
Et l’ivresse !
C’était pour le cœur
La jeunesse !

KÉ-KI-KA-KO.
Je n’y tiens plus ! le souvenir

De cette existence perdue
De bonheur me fait tressaillir !
Je me sens renaître à ta vue.

FÉ-AN-NICH-TON.
Pour adoucir notre souffrance,

Pour calmer les maux de l’absence,
Chatons les chansons du pays !
Dansons les danses de Paris !

FÉ-AN-NICH-TON et KÉ-KI-KA-KO.
Chantons les chansons du pays !

Dansons les danses de Paris !

FÉ-AN-NICH-TON, (parlé).

La ronde de Florette !

KÉ-KI-KA-KO, (parlé).

Avec accompagnement d’orchestre chinois ! Faute de mieux.

FÉ-AN-NICH-TON.

COUPLETS.

I

Êtes-vous pauvre et plein d’ardeur.
Par charité, moi, je vous aime !
Êtes-vous riche ? eh bien ! de même,
Prenez un morceau de mon cœur !
Mais point de tristesse en vos yeux !
Je vous bannis de mon empire !
Toujours chanter et toujours rire !
C’est la loi de mes amoureux !
Valsons !
Polkons !
Sautons !
Dansons !

II

Vous qui, sur un triste refrain,
Parlez des tourments de votre âme
Et des ardeurs de votre flamme,
Passez, passez votre chemin !
Je n’aime pas le sentiment,
Et moi, Florette, je préfère
Le vin qui mousse dans mon verre.
La chanson qui chante gaîment !
Valsons !
Polkons !
Sautons !
Dansons !

(Ké-ki-ka-ko et Fé-an-nich-ton dansent sur le refrain.)
KÉ-KI-KA-KO.

Ah ! notre pauvre vie parisienne !… Mais comment échapper à ces horribles tourments ? (Solennellement.) Madame, as-tu du cœur ?

FÉ-AN-NICH-TON, gratuitement.

Tout autre qu’un Français l’éprouverait sur l’heure.

KÉ-KI-KA-KO.

Elle a fait ses classes !… Alors jouons le tout pour le tout ! J’ai déjà échoué dans dix-huit tentatives d’évasion, je risque la dix-neuvième !

FÉ-AN-NICH-TON.

Mais si nous sommes surpris !

KÉ-KI-KA-KO.

C’est la mort ! On me l’a bien promis !

FÉ-AN-NICH-TON.

Hélas !

KÉ-KI-KA-KO.

Tu trembles !

FÉ-AN-NICH-TON.

Eh bien ! non ! fuyons !

KÉ-KI-KA-KO.

Fuyons, et sans perdre une seconde ! Fè-ni-han et les Conjurés s’avancent de ce côté ! Fuyons de celui-ci et reprenons pour nous donner du cœur.

KÉ-KI-KA-KO et FÉ-AN-NICH-TON.
Valsons !

Polkons !
Sautons !
Dansons !

(Ils sortent à gauche en chantant et en dansant.)


Scène III.

FÈ-NI-HAN, KO-KO-RI-KO, LES CONJURÉS.
(Fè-ni-han rentre à droite poursuivi par les Conjurés qui lui jettent des regards furieux ; Ko-ko-ri-ko est à leur tête.)
FÈ-NI-HAN, à Ko-ko-ri-ko.

Raca ! raca ! raca !

(Fè-ni-han accompagne toujours ce mot d’une ruade désespérée ; Ko-ko-ri-ko, bien qu’ébranlé car la vigueur de cet ordre, ne s’éloigne pas. Fè-ni-han lui souffle alors violemment sur le visage, Ko-ko-ri-ko recule. Fè-ni-han agite avec énergie son chapeau chinois, Ko-ko-ri-ko n’ose plus résister ; il sort avec les Conjurés.)


Scène IV.

FÈ-NI-HAN, seul.
(Fè-ni-han, épuisé par cette lutte contre la sédition, tombe épuisé sur ses coussins, pousse un effroyable rugissement, et répète d’un ton lugubre :)

Raca ! Raca ! Raca ! (Puis il se lève, et s’avançant sur le milieu de la scène.) Sang et tonnerre ! (Il agite violemment son chapeau chinois.) Ô avilissement et profanation de la dignité humaine !… Opprobre ! misère !