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RENÉ LE PAYS


Comment après cela pouvoir plaire à Sylvie,
Comment, devenu gueux, passeray-je la vie,
Moy qui sçay que le bien est si fort engageant,
Que sans luy les vertus passent pour bagatelles,
Et qu’à présent, auprès des belles,
Le mérite et l’esprit peuvent moins que l’argent !

La tristesse de Le Pays, joueur dupé par des grecs, n’est pas bien plus profonde que celle du Valère, de Regnard, elle ne fait qu’effleurer cet esprit souple et alerte. Avant de quitter l’aimable compagnon, nous ferons deux emprunts à la Muse Amourette, morceau mêlé de prose et de vers, où Le Pays retrace, avec une spirituelle érudition, la généalogie et les alliances de sa muse badine.

Voici en quels termes délicats Virgile est apprécié :

La Muse de Virgile, après seize cens ans,
Estant belle malgré son âge,
Conte encore entre ses amans
Plus d’un sçavant et plus d’un sage ;
Chacun sçait bien que Scaliger,
Ce sage et ce sçavant qui n’eut point de foiblesse,
L’ayant prise pour sa maîtresse,
Ne voulut jamais la changer :
Comme un amant, plein de tendresse
Jusque dans le cercueil souvent porte un tableau,
Scaliger ordonna, pour dernière caresse,
Que sur son cœur, dans son tombeau,
On mît tous les beaux vers qu’avoit faits sa maîtresse.

Le Pays poursuit sa revue critique des poètes anciens et modernes ; puis il s’excuse, non sans grâce, d’avoir conduit sa muse en si noble compagnie ; il la ramène modestement au port :