Page:Hamel - Titien, Laurens.djvu/36

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l’Enfant avec trois saints. Dans une note plus simple, tout intime et gracieuse, la Madone de la Galerie des Offices à Florence, est peut-être la plus finement sentie.

Dans toutes ces toiles, la vivante atmosphère du dehors pénètre le thème religieux ; les effluves de la lumière vraie échauffent et animent les figures. Ainsi l’ordonnance hiératique se détend et s’assouplit ; les personnages divins s’humanisent et se rapprochent de nous par cet aspect de réalité prochaine et de vraisemblance familière. Le paysage n’est plus un accessoire, comme pour Bellini : il enveloppe, il absorbe et attendrit toutes choses en y mêlant une grave et tendre poésie de nature. C’est là un fait capital dans l’histoire de l’art ; car de là devait résulter l’étude de rapports plus riches et plus complexes. Non qu’en cela Titien n’ait eu des prédécesseurs chez les peintres du Nord, chez ses contemporains et ses maîtres directs. Mais si l’on a pu dire avec raison que Titien était le créateur du paysage moderne, c’est que nul avant lui n’avait observé d’un œil plus amoureux, rendu avec plus de force, de largeur et de délicatesse, les formes de l’univers, avec leur accent particulier et leur enveloppe aérienne. La vie du ciel et des nuages, le drame de la lumière et des ombres, l’unité de ce vaste organisme et les souffles qui le traversent, aucun peintre avant lui n’en avait fait sentir au même degré la puissante animation.

C’est qu’il avait vécu dès ses plus jeunes années en communion avec la nature et que toujours il fut