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Desreynes ne savait pas que le mal fût si grave ; il avait connu des femmes plus banales et il jugeait celle-ci semblable à toutes les siennes.

Aussi n’eut-il point d’étonnement quand Jeanne reprit avec lui cette douceur affectueuse qu’il espérait ; il s’expliqua son retour par une évolution normale de sa féminie : ne l’avait-il pas admirablement prévu ? Il se félicita d’avoir laissé la belle amie plus seule avec elle-même, et se loua d’une discrétion grâce à laquelle disparaissaient par degrés les derniers restes de fausse honte.

Jeanne fut exquise, en effet.

Elle eut soin de ne plus rappeler sa confidence désolée, dans la crainte de n’être pas assez forte pour dissimuler pleinement l’impression toujours un peu rageuse qu’elle en gardait ; Georges eut aussi le tact de n’y faire aucune allusion, si sympathique qu’elle fût : il attendait qu’à cela aussi elle revint d’elle-même. Romance étrange, où le chevalier avait une attitude féminine, et la dame un rôle viril.

Elle le vit clairement et en fut très fière.

Cette constatation lui rendit un peu d’indulgence et quelque pardon pour le témoin de sa courte faiblesse ; son jeu de séduction en devint aussitôt plus facile.

Elle se montrait affable, vive, changeante, pleine de soins délicats, et, ne voulant pas être femme, faisait la femme. Georges s’y méprit. Et qu’elle était féline et captivante ainsi !

Chaque jour, ils recommençaient leurs promenades