Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/143

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Comme il y a longtemps qu’on n’a marché ainsi, bras dessus, bras dessous, tous les deux, avec le claque et les gants blancs ! Nous allions chez les autres, on vient chez nous, maintenant !

— C’est drôle ! Les mêmes souvenirs nous montrent que nous vieillissons, et à la fois nous rajeunissent…

Des serviteurs allumaient les flambeaux : dans le parc, des taches de clartés multicolores s’épanouissaient entre les frondaisons plus vertes : de-ci, de-là, il en naissait ; plus loin de nouvelles naissaient encore. Lentement, ce fut comme un cercle de feux épars qui cernaient le château. Au large, dans cette demi-lueur, on entendait des appels. Deux torchères brûlaient sur le perron. Il y avait des étoiles plein le ciel, et des parfums plein l’atmosphère. Dans la maison, autour des salles, les feuilles des arbres exotiques brillaient d’un éclat de métal, semblables à des plantes fausses. Une tente grise et rose menait du salon à la serre, où un jet d’eau chantait dans l’air attiédi.

— Me voilà !

Jeanne parut, debout sur le seuil.

Elle était entièrement vêtue de noir : une cuirasse de satin, basse et sans épaulettes, ronde comme un corset, l’emprisonnait des hanches jusqu’aux seins, et tout le haut du torse restait nu ; sur les épaules toutes blanches s’arrondissait une imperceptible chaînette d’argent mat, ornée au centre d’un diamant ; la jupe, sans traîne, était drapée de dentelles. Les