Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/180

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dormir. La peau chaude, les tempes battantes, elle entendait, l’autre après l’autre, sonner les heures de la nuit. Sa songerie maladive zigzaguait dans mille incohérences, sautillant et se posant comme un oiseau sur le bord des rêves épars, et s’affolant de plus en plus dans l’appel impuissant du sommeil. Elle frappait ses coussins avec une rage d’enfant. De l’air, de la paix ! Que c’est donc ennuyeux de vivre ! Le souvenir de Georges la poursuivait à travers ses agitations et l’obsédait avec une persistance tyrannique dont elle se révoltait plus que de sa souffrance. Cet homme ne la laisserait-il pas en repos ? Elle le fit responsable de ce qu’elle endurait, et le voua vingt fois à toutes les Euménides. Donc, il partait ! L’avait-il assez torturée ? Il ajouterait un nom, ce fat, à la liste de ses dérisoires conquêtes, et rirait d’une femme encore ! D’elle, vraiment ! Il l’avait bernée comme une autre ! Elle ne l’aimait pas, du moins, mais il aurait le droit de le croire et d’en rire ! Quelle ridicule comédie elle avait jouée hier ! Il faudrait brûler le banc maudit ! Mais, ne pouvoir dormir ! Vaincue par ce coureur de filles ! Et c’est fini… Sans recours… Il part…

Elle s’assoupit enfin, et encore rêva des revanches. Pour son honneur ! Chacun le comprend comme il peut.

Au contraire de la plupart des femmes, qui presque toutes se sont bercées quelque jour d’un adultère qui ne s’appellerait pas ainsi, d’une passion défendue mais qui ne se consommerait pas, d’une chimère qui chan-