Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/199

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l’avenir garanti effaçait le passé ; un peu plus, il croirait à leur innocence et se féliciterait du mal qui amenait un bien si désirable.

Il fixa son départ au surlendemain, et s’endormit dans le calme puissant d’un homme qui vient de parachever sa tâche.

Mais, dès le réveil, son baiser lui revint en mémoire, et effleura ses lèvres. Il en eut aussitôt une pudeur qui, pendant un temps, troubla sa conscience : quelle tristesse, d’atteindre ainsi le but qu’il avait poursuivi ! La trahison vivait en eux, et pour que Jeanne, après cette caresse, sentit l’effroi de l’adultère, ne fallait-il pas qu’un désir d’adultère l’eût entraînée vers lui ! Quelle situation aurait-il désormais en face de cette femme, sa complice ! Toute leur existence, sous les yeux de Pierre, ne serait qu’une longue hypocrisie : toujours mentir, puisqu’ils auraient toujours un secret à cacher !

— J’aurais dû m’en aller plus tôt ! Que faisais-je donc dans cette maison ? Pourquoi y être resté si longtemps ? Je suis faible, mou, bête ! Je m’amuse avec des mots. Des velléités et pas de volonté ! J’ai des prétentions, et voilà tout… comme elle… Je ne vaux pas mieux qu’elle, et je vaux moins, puisque je suis le bénêt dont elle joue…

Il fut mal à l’aise, en revoyant son ami. Arsemar le prit par le bras. Merizette était complètement rétablie : elle descendrait bientôt ; et Pierre, en se retournant vers la fenêtre de leur chambre, entraîna Georges à travers les pelouses.