Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/208

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Dernière alarme de la conscience !… Jeanne s’assit sur une borne.

Mais soudain elle s’offusqua d’une faiblesse qui n’était pas sans témoin, et, dans ce rappel de l’orgueil, tout son égoïsme lui revint, sec, impérieux et froid. Elle se leva ; puis, redressant son buste comme un lutteur qui paraît sur l’arène, elle prit le bras de Georges, et sourit : « Profitons de ces heures », disait-elle.

Ils rentrèrent dans le parc. La gêne qu’ils éprouvaient tous deux croissait à chaque pas ; ils ne retrouvaient plus la confiante intimité de la veille, ni le calme que leur avait donné la résolution du devoir. Georges s’efforçait d’y remonter, en se persuadant que rien n’était changé depuis un jour ; mais il ne réussissait qu’à souffrir davantage d’un tête-à-tête aussi fâcheux que délicat. Ce silence et cette contrainte les rendaient trop complices de leurs souvenirs ; il aurait voulu en être délivré, et cette préoccupation le travaillait, mais sans l’effrayer, tant le passé lui semblait loin. Il aborda plusieurs conversations, qui moururent d’impuissance dans un ennui banal.

Jeanne répondait à peine.

« N’était-ce donc que cela ? » Elle avait rêvé de ce moment, venu enfin, et n’y rencontrait qu’une accablante monotonie, et l’inepte entretien d’un quadrille : d’émotion, point ; d’inquiétude, pas davantage, et de plaisir, moins encore ; un regret seulement, celui de l’attente déçue. Les galanteries du baron de