Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/230

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ne se croirait pas moins coupable pour l’avoir seulement contemplée. Pourquoi ne défend-on pas aussi bien de toucher la main des épouses ?… Mme  de Warens avait raison : ce n’est qu’un jeu banal, et nos conventions seules en font l’importance…

C’est la première fois, sans doute, qu’un paradoxe le soulageait, et ce fut, pour des heures, sa dernière pensée.

Il se redressa sur son poing. Son front était pesant comme celui d’un homme ivre.

Un autre frisson le prit à la nuque, et comme un éclair descendit sur son dos.

— J’ai froid, allons-nous-en…

Mais il resta sur place ; il vit ses vêtements tachés de terre, et se mit à les nettoyer avec une lenteur automatique.

Il demeura inerte, appuyé sur ses mains, la tête penchée vers ses genoux que la fièvre faisait danser. Enfin, il se leva, et reprit machinalement la direction du Merizet : il se rappelait avoir eu tantôt des arguments pour revenir, mais il ne savait plus lesquels ; il semblait obéir à un ordre de sa mémoire.

Il allait. Il s’égara dans des chemins inconnus. Superstitieux comme le deviennent les plus sceptiques lorsqu’ils ont trop souffert, il se demanda si le ciel ne voulait pas s’opposer à son retour. Pourtant il avança encore.

La lune descendait de l’autre côté du zénith.

Georges s’arrêtait parfois contre un arbre, pour se