Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/257

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sienne, afin de l’amener à comprendre avec elle que cette angoisse devait rester secrète, et qu’il fallait à tout prix, pour le repos de l’ami, conserver entre eux seuls la douleur de l’irréparable.

Elle se fit riante parfois, mais d’une gaieté brusque et qui tendait à paraître contrainte, comme si son visage ne fût qu’un masque sur le deuil de son âme.

Georges avait une peine trop mortelle pour se distraire de si peu.

— Toujours trop tôt !

Il ne savait plus où était le devoir, et se reprenait à désirer la mort.

Lorsqu’on se leva de table :

— C’est maintenant, pensa-t-il.

— Viens-tu te promener avec moi ? demanda Pierre.

— Je suis bien fatigué : je préférerais me reposer un peu.

Les nerveux sont ainsi : on met tant de force et tant d’âme à bâtir un projet de sagesse ou de vertu, à en prévoir tous les détails, à en aimer tous les efforts, qu’à l’heure de l’action la force est épuisée, et l’on se couche.

Jeanne passa près de son amant.

— Georges, pitié pour lui !

Elle s’éloigna aussitôt.

— Qu’il aille méditer là-dessus, s’il ne peut dormir.

Le couple Barraton, à l’office, causait avec les domestiques ; en entendant que l’on quittait la salle, ils vinrent prendre congé et remercier encore. Ils