Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/283

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n’avait laissé que le dégoût. Existe-t-il au monde une insolence capable, plus que celle-là, de flageller une femme jolie et qui fait profession de se voir désirée ?

Que d’ambitions écrasées d’un coup !

Non seulement personne ne ployait devant elle, mais on riait. Elle était bafouée pour une phrase inepte ; dans son courroux elle en ruminait de vengeresses, qu’elle s’indignait de n’avoir pas trouvées tantôt. Elle reprenait le dialogue, et y faisait siffler de stridentes incises dont elle cravachait son interlocuteur ; mais ces triomphes muets, sans témoin ni victime, lui rendaient plus insupportable encore l’humiliation de sa déroute passée. Elle s’insultait, puisqu’elle seule était là pour entendre, et se criait ces vérités que nous ne permettons qu’à nous-mêmes.

Mais il viendrait une revanche ! Elle pouvait avoir donné à rire, mais ceux-là du moins étaient bien imprudents, qui n’avaient pas su résister à leur envie ! Elle inventerait le châtiment.

Tout à cause de Pierre, et de cette sotte amitié. Poseurs !

Eh bien ! C’est en cela qu’on les frapperait, puisqu’en cela était l’origine des tourments et des avanies.

Le meilleur moyen ? Tout dire !

On verrait où conduisent les hilarités malencontreuses. L’un veut cacher, l’autre ignorer : donc, au grand jour ! Qu’en arrivera-t-il ? Eux, séparés à jamais : bien, ils l’ont mérité. Elle ? Est-ce que Pierre ne l’adorerait pas assez pour venir à genoux la sup-